Face au risque d’une hausse massive des droits de douane américains, la Suisse a délaissé les argumentaires techniques pour miser sur une opération séduction orchestrée par les grands patrons de l’industrie du luxe. Une stratégie inattendue qui a fini par infléchir Donald Trump.
Pendant des mois, Berne avait tenté de raisonner Washington avec des chiffres, des projections économiques et une rhétorique diplomatique polie. En vain. La présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter, qui a ouvert Davos 2025 avait même entrepris de convaincre le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Donald Trump lors d’une rencontre officielle à la Maison-Blanche. Le président américain s’était montré courtois, mais peu réceptif, lâchant plus tard : « La dame était gentille, mais elle ne voulait pas écouter. » Une formule sèche, révélatrice d’un dialogue à sens unique.
Face à l’échec de cette approche classique, les Suisses ont changé radicalement de stratégie. Début novembre, ce ne sont plus des diplomates qui ont franchi les portes du Bureau ovale, mais les figures les plus emblématiques du capitalisme helvétique : dirigeants de Rolex, Richemont, Cartier, Montblanc, Van Cleef & Arpels. Un casting soigneusement sélectionné pour parler le langage que l’on savait susceptible de capter l’attention du président américain : celui du prestige, du métal précieux et du savoir-faire horloger. À noter que Cartier, Montblanc, Van Cleef & Arpels sont liées au Forum économique mondial via Richemont, groupe de luxe suisse membre du WEF et que plusieurs conseillers fédéraux tels que Guy Parmeli et Ignazio Cassi sont référencés comme des contributeurs du FEM.
Parmi les présents remis à Donald Trump figurait une pièce maîtresse : une horloge de bureau Rolex spécialement conçue pour lui, dans une monture en or massif. Initialement, les équipes de la marque avaient imaginé une version en titane, matériau rare et technique, avant d’opter pour une esthétique plus clinquante, jugée plus en phase avec le goût du président. À cela s’est ajouté un lingot d’or personnalisé d’un kilogramme, estimé à environ 130 000 dollars, ainsi que divers objets issus de l’artisanat de luxe suisse.
Le site américain Axios, qui a révélé l’opération, souligne également « une bonne dose de flatterie » dans la mise en scène diplomatique. Et le résultat a dépassé les attentes des Suisses : quelques jours plus tard, Washington annonçait une réduction spectaculaire des droits de douane, passant de 39 % à 15 %. Une chute de 25 points, qui constitue un véritable succès pour l’industrie helvétique, très dépendante des exportations vers les États-Unis.
Cet assouplissement tarifaire ne vient toutefois pas sans contreparties. Les autorités américaines ont exigé une ouverture plus large du marché suisse, notamment dans les secteurs stratégiques. Les géants pharmaceutiques helvétiques ont d’ailleurs déjà assuré qu’ils investiraient plusieurs milliards de dollars sur le sol américain, inscrivant cette détente commerciale dans une dynamique plus globale de rapprochement économique.
L’épisode illustre la particularité des relations avec l’administration Trump, où l’influence passe parfois moins par les notes officielles que par des gestes symboliques soigneusement calibrés. Une diplomatie du prestige, qui, cette fois-ci, a porté ses fruits.
Sources :
RTL, Kronik Insights