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Dette publique : Une situation plus grave qu’en 1929 selon l’historienne Laure Quennouëlle-Corre

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Dans un entretien récent accordé au Nouvel Observateur, l’historienne spécialisée en finances publiques, Laure Quennouëlle-Corre, s’exprime sur l’état critique des finances françaises. Selon elle, la situation actuelle est l’une des plus préoccupantes de l’histoire contemporaine, dépassant même certaines crises majeures du XXe siècle, comme celle de 1929. Elle évoque notamment les défis colossaux auxquels le gouvernement de Michel Barnier devra faire face pour redresser les finances publiques.

Une crise comparable aux grandes époques d’endettement

Pour Laure Quennouëlle-Corre, la crise actuelle s’inscrit dans une continuité historique marquée par plusieurs épisodes de forte dette. Elle compare la situation actuelle à des crises financières notables telles que celles de 1924-1926, de 1957-1958 et celle ayant mené au tournant de la rigueur en 1983. Toutefois, elle souligne que, contrairement à ces périodes, les leviers traditionnels de redressement budgétaire comme la dévaluation ou la croissance économique ne sont plus disponibles aujourd’hui.

En effet, la France est désormais intégrée à une union monétaire avec l’euro, rendant impossible tout recours à la dévaluation. De plus, la croissance est actuellement faible, ce qui limite les recettes fiscales nécessaires au redressement budgétaire.

Une préférence française pour l’endettement

Dans son ouvrage « Le Déni de la dette », Quennouëlle-Corre critique la tendance historique de la France à s’endetter massivement. Elle explique que la dette publique, loin d’être un sujet de préoccupation constant, refait surface de manière cyclique avant de retomber dans l’oubli. Selon elle, la France vit dans un « déni de la dette », incapable de mettre en place des mesures durables de désendettement après des périodes de crise, appliquant ainsi uniquement la première partie de la doctrine keynésienne : la relance par la dépense publique, sans consolidation financière ultérieure.

Elle cite également l’économiste Jean Pisani-Ferry, soulignant une forme de schizophrénie française, où le pays aspire à des services publics dignes des pays scandinaves tout en refusant un consentement fiscal à la hauteur de ces ambitions.

Le plan Barnier : un pari risqué

Interrogée sur le plan de redressement budgétaire que tente de mettre en place Michel Barnier, Laure Quennouëlle-Corre se montre sceptique quant à ses chances de succès. Contrairement aux précédentes crises, Barnier ne pourra pas compter sur des outils tels que la croissance, l’inflation contrôlée ou la dévaluation. Il ne reste que des options limitées, comme une possible augmentation des impôts et/ou une réduction drastique des dépenses publiques, options souvent politiquement délicates à mettre en œuvre.

Quennouëlle-Corre insiste sur l’importance de mesures équitables pour réussir un redressement. Elle souligne que l’effort ne semble pas partagé, car certaines baisses d’impôts récentes ont surtout profité aux ménages les plus aisés, creusant davantage le déficit.

Le piège des politiques budgétaires passées

L’historienne met également en lumière les conséquences des politiques économiques des dernières décennies, qui ont privilégié l’offre plutôt que la demande. Depuis les années 1990, les réductions d’impôts visant à stimuler l’emploi n’ont pas été accompagnées d’une réduction parallèle des dépenses publiques. Ce déséquilibre a contribué à une augmentation continue de la dette.

Quennouëlle-Corre évoque également la question du vieillissement de la population, en lien avec des décisions budgétaires récentes, comme la revalorisation des retraites de 5,2 % en 2023 pour contrer l’inflation. Si cette décision visait à soulager les plus âgés, elle a également creusé un déficit supplémentaire, ce qui a alimenté des critiques sur son opportunité en période de crise.

Une crise écologique qui vient s’ajouter

Enfin, l’historienne aborde la crise climatique à venir, affirmant qu’elle nécessitera des investissements massifs. Cependant, la dette actuelle compromet la capacité de la France à financer cette transition écologique. Elle suggère l’idée d’une dette perpétuelle pour répartir la charge sur les générations futures, une proposition audacieuse mais difficile à mettre en œuvre sur le plan international.

Laure Quennouëlle-Corre conclut en soulignant que, sans une véritable réforme de la dépense publique, la France pourrait se retrouver dans une situation critique vis-à-vis des agences de notation, avec une explosion des taux d’intérêt qui aggraverait encore la dette. Pour l’Historienne, les défis auxquels la France doit faire face étaient « aussi importants dans les années 1930 », « mais la situation financière actuelle est la plus grave », qu’elle ait eu à étudier.

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