Dans un entretien exclusif, le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici soutient le diagnostic du plan d’économies de François Bayrou. Il insiste sur l’urgence d’agir pour éviter l’impasse budgétaire et appelle à un compromis politique, plutôt qu’à une austérité imposée.
« La France n’est pas la Grèce de 2009, mais elle est bel et bien au pied du mur ». Le ton est grave, mais mesuré. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, lance un avertissement clair dans un contexte où la dette publique frôle les 3 500 milliards d’euros. Dans un entretien accordé au Parisien publié le 19 juillet, il soutient l’analyse budgétaire formulée par François Bayrou et rappelle la nécessité d’une trajectoire sérieuse pour ramener le déficit sous les 3 % du PIB à l’horizon 2029.
Selon lui, les 43,8 milliards d’euros d’économies annoncés ne relèvent pas d’un plan d’austérité mais d’un « effort nécessaire », que la France doit faire « volontairement maintenant pour éviter de le subir demain ». En 2025, le coût du service de la dette atteint déjà 67 milliards d’euros, contre 30 milliards en 2021. Un chiffre qui pourrait exploser à 100 milliards avant la fin de la décennie.
Moscovici met en garde contre la tentation de renvoyer aux calendes grecques les mesures d’économies : « Le paiement des intérêts est la dépense publique la plus bête de toutes. Une boule de neige qui grossit inexorablement ». L’ancien commissaire européen souligne également trois axes de vigilance : la répartition de l’effort entre État, collectivités et Sécurité sociale, l’équilibre entre réduction des dépenses et recettes fiscales, et enfin l’équité sociale dans la répartition de l’effort.
Interrogé sur la polémique autour de la suppression de jours fériés ou d’une potentielle hausse des impôts, Pierre Moscovici appelle à « affiner » le plan dans le cadre d’un débat parlementaire. « Une non-censure, cela se gagne et se conquiert », insiste-t-il, appelant à une culture du compromis dans un contexte d’absence de majorité claire à l’Assemblée nationale. Il s’agit, selon lui, de construire une « majorité de responsabilité » autour du budget, avec toutes les forces politiques prêtes à défendre la stabilité institutionnelle.
Concernant la nomination de Najat Vallaud-Belkacem à la Cour des comptes, vivement critiquée, Moscovici défend fermement la procédure de sélection. « Elle a suivi un processus exigeant. Ce sont son genre, son origine, ses engagements qui sont visés », déplore-t-il, dénonçant les relents de suspicion et de jalousie dans le débat public. Il rappelle toutefois que cette nouvelle fonction suppose un strict devoir de réserve, tout en affirmant sa confiance dans la capacité de l’ancienne ministre à honorer ses engagements.
Sur la perspective d’un retour en politique après son mandat, qui s’achève au plus tard en septembre 2026, il reste évasif mais affirme son intention de participer au débat public « en homme libre ».
Enfin, il balaie les inquiétudes autour d’une intervention du FMI : « La France ne sera pas placée sous tutelle. Le danger n’est pas là, il est dans l’étranglement progressif de l’action publique et la perte de crédibilité financière ». Face à ce risque, il oppose une alternative claire : « le sérieux budgétaire ou l’impuissance politique ».
Source : Le Parisien, entretien avec Pierre Moscovici publié le 19 juillet 2025