En Arménie, les tensions autour du Haut-Karabakh prennent un nouveau tournant politique et religieux : le Premier ministre Nikol Pachinian a appelé ce mardi 10 juin, à la destitution ouverte du catholicos Karékine II, chef de l’influente Église apostolique arménienne.
Face à une opposition religieuse de plus en plus virulente concernant la politique menée sur le territoire du Haut-Karabakh, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a franchi une étape inédite dans l’histoire politique récente de l’Arménie. S’exprimant lors d’une réunion avec les gouverneurs régionaux le mercredi 12 juin 2025, il a directement mis en cause Karékine II, patriarche suprême et catholicos de l’Église apostolique arménienne, en l’accusant de s’ingérer dans les affaires politiques et d’œuvrer contre l’État.
« Soit le catholicos prend la décision de démissionner dans l’intérêt de l’Église, soit l’Église prend des mesures pour le révoquer », a déclaré le chef du gouvernement, ajoutant qu’il appelait « toutes les structures religieuses et sociales à s’impliquer » dans ce processus.
Karékine II menacé de révocation
Karékine II, en poste depuis 1999 et à la tête d’une institution forte et influente dans la société arménienne, est confronté à une opposition directe du pouvoir exécutif, une situation inédite. Bien que l’Église apostolique soit officiellement indépendante de l’État, elle conserve une place centrale dans l’identité nationale arménienne.
Le litige entre les deux figures découle principalement de leurs désaccords concernant la politique de Nikol Pachinian sur le Haut-Karabakh. Depuis la défaite militaire face à l’Azerbaïdjan en 2020 et la perte de contrôle sur la majorité du territoire, le Premier ministre a adopté une ligne défensive visant à éviter une nouvelle confrontation, au prix d’un renoncement progressif aux revendications anciennes sur cette région. Cette position a provoqué la colère de nombreuses institutions, dont l’Église.
Un conflit aux implications multiples
La prise de position de Nikol Pachinian fait suite à des manifestations récentes organisées par des religieux et soutenues par une partie de l’opposition. Des prêtres ont appelé à sa démission et à une mobilisation nationale. Le Premier ministre réagit aujourd’hui en dénonçant ce qu’il considère comme une tentative de déstabilisation orchestrée par un haut dignitaire ecclésiastique.
Ce conflit pourrait avoir des conséquences profondes sur la stabilité politique et sociale du pays. L’Église apostolique arménienne reste une institution respectée, notamment dans les zones rurales et parmi les générations plus âgées. La tentative de destitution de Karékine II pourrait fracturer encore davantage une société déjà marquée par les séquelles du conflit du Haut-Karabakh.
Une escalade sans précédent
Les appels à la révocation du catholicos interviennent alors que le gouvernement cherche à consolider son autorité face à une opposition religieuse et conservatrice grandissante. Jamais auparavant un chef de gouvernement n’avait réclamé la chute d’un catholicos en exercice.
Reste désormais à voir si les structures internes à l’Église répondront à cet appel ou si elles résisteront à cette pression inédite du pouvoir politique. Dans tous les cas, cette confrontation ouvre une nouvelle phase d’instabilité, avec en toile de fond le fragile équilibre entre pouvoir civil et autorité religieuse.
La crise actuelle autour du Haut-Karabakh continue donc de peser fortement sur la scène intérieure arménienne, accentuée aujourd’hui par un conflit direct entre le Premier ministre et le chef de l’Église apostolique arménienne.
Source : Le Monde