La présidente de France Télévisions a accusé CNews d’être une chaîne « d’extrême droite », provoquant la colère de Pascal Praud et la riposte d’Arnaud Lagardère. L’affaire Legrand-Cohen, en toile de fond, accentue la fracture entre audiovisuel public et médias du groupe Bolloré.

Le conflit entre CNews et le service public vient de franchir un nouveau palier. Dans un entretien publié jeudi 18 septembre par Le Monde, Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, a pour la première fois qualifié la chaîne d’information du groupe Bolloré de média « d’extrême droite ». Une sortie inédite et assumée : « Qu’ils assument d’être une chaîne d’extrême droite ! », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’il fallait reconnaître CNews comme « un média d’opinion », position qui avait récemment été assumé par Pascal Praud.

Sur le plateau de la chaîne, le journaliste a immédiatement dénoncé des propos dangereux : « Aujourd’hui dans les manifestations, il y aura des journalistes de CNews sur le terrain. Elle leur met une cible sur le dos, elle les met en danger », a-t-il affirmé, parlant même de « déclaration de guerre ».

Quelques heures plus tard, la riposte s’est organisée du côté des médias privés. Arnaud Lagardère, gérant de Lagardère Radio – propriétaire d’Europe 1 – a dénoncé « des attaques excessives » de Delphine Ernotte et de Sibyle Veil, présidente de Radio France. Les deux dirigeantes avaient adressé la veille une lettre à l’Arcom pour dénoncer une « campagne de dénigrement » orchestrée, selon elles, par les médias de la galaxie Bolloré, dont CNews, Europe 1 et le Journal du dimanche. « Ces attaques traduisent une fébrilité surprenante et sont une manœuvre grossière de victimisation quand l’heure devrait être aux explications après l’affaire Cohen-Legrand », a rétorqué Arnaud Lagardère, estimant que l’honorabilité des journalistes d’Europe 1 était mise en cause.

CNews, dans un communiqué distinct, a accusé Delphine Ernotte de vouloir détourner l’attention des critiques visant l’audiovisuel public : « Elle a choisi d’allumer de façon scandaleuse des contre-feux », dénonce la chaîne, soulignant que ces accusations « ne font qu’illustrer la gêne suscitée par le succès de CNews », régulièrement leader des chaînes d’info en parts d’audience.

En toile de fond, l’affaire dite Legrand-Cohen attise les tensions. Début septembre, L’Incorrect, média d’extrême droite, a diffusé un extrait vidéo montrant les journalistes Patrick Cohen et Thomas Legrand attablés avec deux responsables socialistes dans un restaurant parisien. Dans cette séquence, Thomas Legrand évoque la ministre Rachida Dati, candidate à la mairie de Paris, en lançant : « Nous, on fait ce qu’il faut pour [Rachida] Dati, Patrick [Cohen] et moi. » Pour CNews et Europe 1, cette scène illustre un parti pris politique des journalistes du service public.

Les deux intéressés ont porté plainte contre L’Incorrect pour captation et diffusion illicites de propos confidentiels, dénonçant un montage frauduleux, ce qui a été démenti par un huissier de justice. Thomas Legrand a d’ailleurs renoncé à son émission dominicale sur France Inter, tout en continuant à intervenir à l’antenne.

Mercredi, Delphine Ernotte et Sibyle Veil, patronne de Radio France, camarade de promo d’Emmanuel Macron à l’ENA avaient été auditionnées par l’Arcom, qui a annoncé vouloir « approfondir ses travaux sur l’impartialité du service public ». La bataille entre les deux blocs – médias publics et empire Bolloré – semble loin d’être terminée, à dix-huit mois de la présidentielle de 2027.

Sources :

Le Figaro – « Delphine Ernotte qualifie CNews d’“extrême droite” : “Elle met une cible sur nos vies”, accuse Pascal Praud » – 18 septembre 2025 – lien
Le Monde – « Arnaud Lagardère et CNews répliquent aux “attaques excessives” des présidentes de France Télévisions et Radio France » – 18 septembre 2025 – lien