Le Premier ministre espagnol veut mettre fin au changement d’heure dès 2026. Une proposition populaire mais politiquement risquée, dans un contexte européen bloqué depuis 2019. Pour ses détracteurs, Pedro Sánchez cherche surtout à détourner l’attention d’un gouvernement fragilisé.
Et si l’Espagne en avait fini avec le changement d’heure ? C’est la nouvelle bataille que veut mener Pedro Sánchez. Dans une vidéo publiée le 20 octobre sur X (anciennement Twitter), le chef du gouvernement socialiste a plaidé pour la fin des passages à l’heure d’hiver et d’été, invoquant des raisons de santé publique et l’inefficacité énergétique du dispositif. « Le changement d’heure n’apporte presque rien en matière d’économies et nuit au bien-être des citoyens », a-t-il affirmé, citant des études montrant un impact sur le sommeil, la productivité et la santé mentale.
Cette prise de position n’est pas anodine. Le débat, vieux de plus d’un demi-siècle, semblait clos depuis que l’Union européenne avait suspendu en 2019 son projet d’abolition du changement d’heure, faute d’accord entre les États membres. Pourtant, Sánchez entend convaincre le Conseil européen de rouvrir le dossier, espérant une mise en œuvre dès 2026.
El País rappelle que la mesure avait pourtant suscité un large consensus citoyen : en 2018, une consultation publique organisée par la Commission européenne avait recueilli 84 % de votes favorables à la suppression du changement d’heure. Le Parlement européen avait ensuite validé une directive prévoyant la fin du dispositif à partir de 2021, avant que les gouvernements européens ne s’enlisent dans la question du fuseau horaire à adopter.
Car c’est là que réside le nœud du problème : laisser chaque pays choisir entre l’heure d’été ou l’heure d’hiver risquerait de créer, selon El Español, « un chaos de fuseaux horaires » à l’échelle du continent, nuisible au marché commun et aux échanges économiques. Le sujet avait été mis en sommeil pendant la crise du Covid-19 et n’a plus jamais figuré à l’agenda prioritaire de Bruxelles.
Pourquoi, dès lors, Pedro Sánchez remet-il la question sur la table ? Pour ses opposants, le Premier ministre cherche à reprendre la main sur le terrain médiatique. El Independiente évoque une « nouvelle marotte » destinée à occuper l’espace public, alors que le chef du gouvernement peine à faire voter des réformes majeures au Parlement. Affaibli par une coalition instable et les affaires judiciaires visant plusieurs de ses proches, le socialiste « cherche à cacher le soleil avec son doigt », raille El Español, qui voit dans cette annonce une opération de diversion.
Mais pour Eldiario.es, proche de la gauche, la proposition de Sánchez n’a rien d’anecdotique : « C’est un sujet qui revient dans tous les foyers espagnols deux fois par an », écrit le site, estimant que le Premier ministre « ne fait que traduire une préoccupation populaire réelle ». Dans un pays où la journée de travail commence tard et se termine souvent après 20 heures, le débat sur l’heure légale revêt aussi une dimension culturelle : faut-il aligner l’Espagne sur l’heure du soleil ou conserver celle de Berlin ?
Quoi qu’il en soit, le sujet permet à Pedro Sánchez de reprendre la parole sur un terrain plus consensuel. Une manœuvre habile, dans une Espagne lassée des crises politiques à répétition et des fractures idéologiques.
Sources :
Courrier International – Société. En finir avec les changements d’heure, nouvelle marotte de Pedro Sánchez – 22 octobre 2025 – courrierinternational.com
El País – Pedro Sánchez quiere acabar con el cambio de hora en 2026 – 21 octobre 2025 – elpais.com
El Español – Sánchez busca distraer al país con el reloj – 22 octobre 2025 – elespanol.com
El Independiente – Pedro Sánchez, entre el cambio de hora y el cambio de tema – 22 octobre 2025 – elindependiente.com
Eldiario.es – Sánchez reabre el debate del cambio horario que divide a Europa – 21 octobre 2025 – eldiario.es