Le gouvernement français se prépare à un défi budgétaire d’une ampleur sans précédent pour l’année 2025. Avec un objectif de réduction du déficit à 5 % du PIB, cela implique de trouver 60 milliards d’euros, répartis entre 40 milliards d’économies et 20 milliards de recettes supplémentaires. Jamais la France n’a entrepris un tel effort budgétaire en un seul exercice, soulevant des questions sur la manière dont l’exécutif, dirigé par Michel Barnier, prévoit de relever ce défi.
Les premières mesures annoncées concernent principalement les retraités et les grandes entreprises. Le gouvernement a déjà précisé que la revalorisation des pensions de retraite en fonction de l’inflation, serait reportée de six mois, passant de janvier à juillet 2025, permettant ainsi d’économiser 3 milliards d’euros. Cette décision, bien que technique, risque de susciter des réactions au sein de la population concernée.
Du côté des recettes, Matignon et Bercy ont confirmé la mise en place d’impôts temporaires sur les grandes entreprises et les ménages les plus fortunés. Les prélèvements sur les sociétés, bien qu’encore flous dans leurs modalités, devraient générer environ 8 milliards d’euros et concerner environ 300 entreprises, celles qui génèrent plus d’un milliard d’euros. Invité sur le plateau de l’émission L’Événement diffusée hier soir, sur France 2, le Premier ministre a précisé que le « temps » de cette contribution supplémentaire « sera fixé dans la loi », et devrait durer « un an et peut-être deux ans ».
Conçernant l’effort demandé aux plus riches, le nouveau ministre de l’Économie, Laurent Saint-Martin, a précisé que ces mesures s’appliqueraient aux 0,3 % des ménages les plus aisés, soit environ 65 000 foyers. Le Premier ministre a indiqué sur France 2 que cet effort devrait générer deux milliards d’euros, et que des économies seront réalisées dans certains services publics en ne remplaçant pas les départs de fonctionnaires.
« Il n’y aura pas de choc fiscal », a assuré Barnier à Caroline Roux, tout en indiquant ne « pas vouloir raconter d’histoire » sur la situation budgétaire compliquée de la France. Le Premier ministre s’est toutefois dit près à « recourir » au 49-3 pour adopter le budget 2025, rappelant ne « pas avoir de majorité » à l’Assemblée nationale.
Mesures de Fiscalité Verte et Réactions Politiques
Outre les mesures fiscales, le gouvernement prévoit également de renforcer la fiscalité verte, avec des recettes supplémentaires de 1,5 milliard d’euros. Ces mesures concerneront principalement les véhicules polluants et le transport aérien, deux secteurs régulièrement ciblés dans les débats sur la transition écologique.
Ces propositions ne manquent pas de provoquer des remous au sein même de la coalition gouvernementale. Gérald Darmanin, ancien ministre de l’Intérieur et ex-ministre des Comptes publics, a qualifié d’« inacceptable » l’augmentation des impôts sans réformes structurelles majeures. Lors de son intervention, il a même menacé de ne pas voter le budget, signalant une fracture potentielle au sein de la majorité. Le climat est tout aussi tendu au Sénat, où plusieurs élus s’inquiètent de l’absence de détails sur les économies envisagées.
Le Contexte Européen : La France à la Traîne ?
La situation budgétaire française est d’autant plus préoccupante que ses voisins européens, notamment le Portugal, l’Espagne et même la Grèce, empruntent désormais à des taux plus avantageux. La France a, par exemple, emprunté à six mois pour un taux de 3,12% le 23 septembre, quand la Grèce a emprunté à 2,85% pour une échéance semblable le 25 septembre. En France, l’INSEE prévoit une croissance du PIB de seulement 1,1 % pour 2024, tandis que l’Espagne anticipe une augmentation de 2,8 %. Ce dynamisme espagnol s’explique en partie par une hausse du salaire minimum de 54 % en six ans, favorisant la consommation intérieure, ainsi que par des réformes budgétaires rigoureuses dans les pays du Sud de l’Europe.
Le Portugal, par exemple, a réduit son déficit budgétaire de 10 % à des niveaux beaucoup plus soutenables en l’espace de dix ans, en adoptant des mesures d’austérité sévères. La France, de son côté, semble avoir davantage misé sur la vente de ses bijoux de familles, ses biens immobiliers publics, avec 645 biens cédés en 2023 pour une valeur de 280 millions d’euros. À la fin des années 90, le designer Ora Ïto avait imaginé des monuments historiques Français tels que la Tour Eiffel ou le Sacré Coeur arborant les logos des grandes marques tels que LVMH ou Mc Donald. Bien que Michel Barnier demande un effort temporaire aux entreprises, au rythme où elles se sont enrichies depuis la crise sanitaire, cette vision cauchemardesque semble de moins en moins improbable.
Le projet de budget 2025 s’annonce comme un exercice périlleux pour le gouvernement Barnier. Entre la nécessité de réduire drastiquement le déficit public et la pression politique qui monte, les mois à venir seront décisifs. Les débats promettent d’être vifs, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, et pourraient même mettre en péril la cohésion de la majorité. L’examen de ce budget historique sera un véritable test pour l’exécutif, qui devra trouver le juste équilibre entre rigueur budgétaire et maintien de la cohésion sociale.