Le Doyenné – Espace d’Art Moderne et Contemporain, situé à Brioude dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, annonce avec enthousiasme son événement phare de l’été : « Hans Hartung (1904-1981): Une liberté salutaire », une exposition estivale consacrée à l’un des artistes majeurs de l’art abstrait, qui a été marqué dans sa chaire par les affres du XXe siècle.
Après Marc Chagall, Joan Miró, Nicolas de Staël, Pablo Picasso et Ernest Pignon-Ernest, c’est à Hans Hartung, artiste majeur du XXe siècle, que le Doyenné dédie ses espaces d’exposition temporaire. Hartung, qui fit de la libération du geste sa marque de fabrique, est célèbre pour son expérimentation constante et son engagement dans de multiples disciplines artistiques telles que la photographie, la céramique et la gravure. Précurseur de l’abstraction lyrique, son art reflète sa propre traversée du XXe siècle, marquée par les deux Guerres mondiales et son expérience personnelle en tant qu’invalide de guerre.
Né en 1904 à Leipzig et décédé en 1989 à Antibes, Hartung a marqué le monde de l’art par ses expérimentations techniques et son engagement artistique hors normes. Sa jeunesse est bercée par une passion précoce pour l’art, avec des aspirations à transcender les limites de l’expression artistique. Ses premières expériences picturales témoignent déjà de son inclination pour l’abstraction, préfigurant les mouvements avant-gardistes qui fleuriront par la suite au XXe siècle.

Dans ses carnets de jeunesse, écrits en allemand, Hans Hartung se fixait l’ambition d’accomplir ce qui est démesuré. » Sur un de mes cahiers d’école, j’attrapais des éclairs dès qu’ils apparaissaient. Il fallait que j’aie achevé de tracer leurs zigzags sur la page avant que n’éclate le tonnerre. Ainsi, je conjurai la foudre « , affirmait l’artiste. Il n’arrivera pas à conjurer les horreurs de la guerre.
Après des études dans sa ville natale et à Dresde, marquées par l’influence des maîtres anciens et des expressionnistes allemands, Hartung s’installe à Paris en 1926, où il s’imprègne de l’effervescence artistique de la capitale.

De retour en Allemagne, l’artiste confronté à la montée du nazisme en Allemagne auquel il s’opposait, quitte son pays natal après la mort de son père pour les Baléares, puis s’installe à Paris. Dans la capitale française, il établit des liens avec divers artistes, notamment Jean Hélion et Henri Goetz, et expose aux côtés de figures telles que Kandinsky, Mondrian et Calder. En 1939, il s’engage dans la Légion étrangère sous le nom de Jean Gauthier, en opposition au régime nazi. Toutefois, après avoir été arrêté par les autorités françaises et démobilisé à la suite de l’armistice de 1940, Hartung rencontre des difficultés matérielles et des problèmes personnels, notamment le décès de sa première femme et des complications de santé.
En 1943, durant l’occupation nazie, Hartung tente de fuir en Espagne, mais est capturé, passé à tabac et emprisonné par les autorités franquistes. Il est ensuite envoyé au camp de concentration de Miranda del Ebro, où il professera des cours d’Histoire de l’Art et réalisera des peintures dont au moins un autoportrait. Après une intervention diplomatique, il rejoint l’Afrique du Nord et s’engage à nouveau dans la Légion étrangère, cette fois sous le nom de Pierre Berton. Durant la guerre, il est blessé lors de l’attaque de Belfort en novembre 1944, subissant des amputations de la jambe. Après la guerre, il est réformé en 1945, vivant désormais avec une prothèse et deux béquilles.
L’exposition qui lui est consacrée au Doyenné à l’été 2024, intitulée « Une liberté salutaire », témoigne de son parcours vers l’excès et le lâcher-prise du geste, depuis sa jeunesse jusqu’à sa mort. Cette rétrospective, la première depuis 2019 au Musée d’Art Moderne de Paris, présente une soixantaine de toiles et de papiers, dont certains chefs-d’œuvre de l’artiste ainsi que des pièces inédites et des archives émouvantes. Elle raconte l’histoire de l’homme, de la peinture et offre un regard sur l’épopée tragique d’un siècle.
À travers cette rétrospective, Le Doyenné met en lumière le langage unique de Hans Hartung face aux événements qu’il a vécus, offrant ainsi aux visiteurs un panorama choisi et complet d’une œuvre forte et prolifique.
Par Gilles Charles et Greg Fiori
Hans Hartung (1904-1981): Une liberté salutaire. Du 5 juillet au 13 octobre 2024 Sous le commissariat de Jean-Louis Prat.