Dans un entretien exclusif à L’Express, le milliardaire et philanthrope Bill Gates met en garde contre la baisse de la générosité internationale. Alors que l’aide au développement diminue et que les tensions mondiales s’aggravent, il appelle à un sursaut collectif pour sauver des millions de vies et faire de l’innovation – notamment l’intelligence artificielle – un levier de progrès humain selon lui.

Dans un monde fracturé par les guerres, les crises économiques et le désengagement international, Bill Gates tire la sonnette d’alarme. Dans une interview accordée à L’Express, le cofondateur de Microsoft et président de la Fondation Bill & Melinda Gates affirme que « l’humanité est à un tournant », et que les vingt prochaines années détermineront si le progrès accompli depuis un quart de siècle sera consolidé ou perdu.

Une alerte sur le recul de la générosité mondiale

Depuis la création de sa fondation il y a vingt-cinq ans, Bill Gates a donné près de 60 milliards de dollars à des programmes de santé, d’éducation et de lutte contre la pauvreté. Grâce à ces efforts conjoints avec les grandes agences internationales, la mortalité infantile mondiale est passée de plus de 10 millions de décès par an à moins de 5 millions, même si l’action du phylantro-capitaliste qui demeure le principal sponsor de l’OMS reste également controversé.

Mais selon le milliardaire, cette dynamique vertueuse est aujourd’hui menacée. Les budgets d’aide publique au développement stagnent ou reculent dans de nombreux pays riches. « Avant la pandémie, je n’aurais jamais imaginé que l’aide internationale puisse être réduite à ce point », confie-t-il, alors que l’argent coule à flot du côté de l’OMS ses dernières années.

Gates souligne que les États-Unis, sous l’impulsion de l’administration Trump, ont drastiquement diminué leurs contributions à l’USAID, l’agence accusée par Elon Musk, d’effectuer « les basses besognes de la CIA » et aux grands fonds mondiaux.

Cette tendance pourrait avoir des conséquences dramatiques :

« Si la générosité diminue trop, le nombre de décès d’enfants repartira à la hausse », prévient Gates.

Un risque de retour en arrière historique

Pour le philanthrope américain, deux leviers détermineront l’avenir : la générosité et l’innovation. L’un sans l’autre ne suffit pas. « Nous pouvons réduire le nombre de décès d’enfants de 5 à 2 millions par an d’ici vingt ans, mais seulement si les pays riches maintiennent leurs engagements et si nous continuons d’innover », explique-t-il dans les colonnes de L’Express.

Les baisses budgétaires touchent déjà les grands programmes internationaux : Gavi, l’Alliance du vaccin et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme doivent composer avec une diminution de 15 % de leurs ressources. « Rien n’est plus frustrant que de ne plus pouvoir fournir un traitement à une personne vivant avec le VIH », déplore Bill Gates, qui a promis 912 millions de dollars supplémentaires pour soutenir la reconstitution des fonds. À noter que la Fondation Bill & Melinda Gates est l’un des principaux « sponsor » de ces deux entitées

L’innovation et l’IA, leviers d’un nouvel élan

Malgré ses inquiétudes, Gates fait reposer ses espoirs sur l’innovation technologique, notamment l’intelligence artificielle, qu’il voit comme un moteur majeur de progrès sanitaire.

« L’IA changera la donne », affirme-t-il. Grâce à ces outils, les chercheurs pourront mieux comprendre les causes des naissances prématurées, concevoir de nouveaux vaccins et développer des traitements plus efficaces, estime Gates. Surtout, ces technologies permettront de renforcer les systèmes de santé des pays pauvres en diffusant des messages de prévention, en accompagnant les femmes enceintes et les malades chroniques grâce à des assistants virtuels disponibles sur smartphone.

« Nous travaillons déjà avec des entreprises d’IA pour créer, d’ici trois ans, des médecins virtuels capables d’aider directement les populations », précise-t-il.

Un appel à la solidarité des pays riches

Pour Bill Gates, le combat pour la santé mondiale reste avant tout une question de morale et de volonté politique. Il rappelle que très peu de pays atteignent le seuil symbolique de 0,7 % du PIB consacré à l’aide au développement, fixé par les Nations unies. Seules la Norvège et la Suède le dépassent, tandis que la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni s’en approchent sans l’atteindre.

« Les citoyens français peuvent être fiers de leur générosité. Cet argent sauve des vies », insiste Gates, tout en exhortant les gouvernements à ne pas céder à la tentation du repli national.

Un optimisme mesuré face aux défis à venir

Le fondateur de Microsoft déplore la montée du nationalisme, de la désinformation et la fatigue de la coopération internationale, mais il veut croire à un réveil collectif.

« La morale humaine n’a pas brusquement changé. Nous devons continuer à faire connaître les succès de ces dernières décennies et montrer ce que nous perdrons si nous abandonnons ces efforts », conclut-il.

Bill Gates a annoncé qu’il léguera la quasi-totalité de sa fortune à la Fondation Gates soit plus de 200 milliards de dollars d’ici 2045. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle alors que les actions de sa fondation sont décriées par de plus en plus d’observateurs qui dénoncent l’influence d’un milliardaire qui n’a été élu par personne dans les politiques de Santé publique, comme en témoigne la participation active de sa Fondation dans l’Accélérateur ACT, le dispositif mondial mis en place pour permettre l’accès des vaccins anticovid dans le monde entier.

Source :

L’Express – « La mise en garde de Bill Gates : “Nous sommes à un tournant de l’humanité” » – 13/10/2025 – lexpress.fr