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Cambodge-Thaïlande : un regain de violence ravive le spectre d’une guerre frontalière

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Un civil cambodgien tué, un soldat thaïlandais grièvement blessé, des accusations croisées et un accord de paix suspendu : la frontière entre Cambodge et Thaïlande replonge dans la tension. Trois mois après les affrontements qui avaient déjà fait plus de quarante morts, les deux pays semblent à nouveau au bord d’une escalade incontrôlée.

La frontière entre la province thaïlandaise de Sa Kaeo et celle de Banteay Meanchey, côté cambodgien, a de nouveau résonné de tirs mercredi 12 novembre en fin de journée. Un civil cambodgien y a perdu la vie, plusieurs autres personnes ont été blessées et la mécanique des accusations mutuelles s’est remise en marche, rappelant l’extrême fragilité de la relation entre les deux voisins d’Asie du Sud-Est.

Les versions divergent immédiatement. Selon Phnom Penh, les soldats thaïlandais auraient ouvert le feu sans provocation sur des villageois du hameau de Prey Sar. Dans les colonnes du Khmer Times, les autorités cambodgiennes dénoncent des « actions brutales et inhumaines » ayant visé des civils occupés à dormir ou à préparer leur repas. Une habitante de Prey Chan, citée par CamboJA News, raconte une attaque aussi soudaine que violente.

La version thaïlandaise, relayée par le Bangkok Post, affirme l’inverse : les soldats cambodgiens auraient tiré les premiers, franchissant même la ligne de démarcation. Les troupes thaïlandaises ne se seraient, selon leur porte-parole, que « mises à couvert » avant de riposter par des coups de semonce. Un récit que Phnom Penh dément catégoriquement. Les deux pays servent ainsi un scénario bien rodé : celui d’événements brouillés par le flou frontalier, la défiance historique et un jeu politique où l’armée tient un rôle central.

Car la frontière, encore par endroits non délimitée, reste parsemée de mines héritées des guerres des années 1970 et 1980. Officiellement, Phnom Penh attribue à ces reliques l’explosion survenue deux jours plus tôt, blessant quatre soldats thaïlandais et en amputant un. Pourtant, dans la presse de Bangkok, certains analystes vont plus loin et évoquent la présence de mines « récemment posées », accusation que le Cambodge rejette avec force. Sur ce terrain miné, au sens propre comme figuré, la suspicion demeure la règle.

La conséquence politique ne s’est pas fait attendre. Le Premier ministre thaïlandais Anutin Charnvirakul a annoncé, dès mardi, la suspension de l’accord de paix signé le 26 octobre à Kuala Lumpur sous l’égide de Donald Trump et d’Anwar Ibrahim. À l’en croire, le texte est désormais « caduc », et Bangkok agira seul, « sans avoir à solliciter l’approbation de quiconque ». Un signal inquiétant, tant la puissante armée thaïlandaise pèse dans les décisions du pays. Certains de ses soutiens vont jusqu’à agiter l’idée d’une frappe préventive si Phnom Penh persistait dans ce qu’ils considèrent comme une menace.

Face à ces postures musclées, le Cambodge dénonce un « jeu dangereux » menaçant de faire dérailler les fragiles engagements obtenus à Kuala Lumpur. Les médias proches du gouvernement cambodgien accusent l’armée thaïlandaise de manipuler les faits, tandis que des voix critiques en Thaïlande s’interrogent sur les zones d’ombre entourant l’opération militaire de mercredi. Le journaliste Pravit Rojanaphruk reproche notamment aux autorités d’avoir d’abord nié avoir riposté, avant de l’admettre, tout en évoquant l’usage de « boucliers humains » côté cambodgien.

Ces tensions replongent Phnom Penh et Bangkok trois mois en arrière. À la fin de juillet, cinq jours d’affrontements dans plusieurs zones frontalières disputées avaient fait plus de quarante morts selon les Thaïlandais, quarante-huit selon le Cambodge, et provoqué le déplacement de 300 000 personnes. Le cessez-le-feu conclu alors apparaît aujourd’hui bien fragile, balayé par des revendications contradictoires et des imaginaires nationalistes toujours prêts à s’enflammer.

Sources :

Courrier international – « Affrontements. Version contre version : le Cambodge et la Thaïlande à nouveau au bord de la guerre ouverte » – 13/11/2025 – [lien]

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