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Sébastien Lecornu. Image : Capture d'écran compte X du gourvenrment.

Sébastien Lecornu aux Assises des Départements : un discours qui ouvre la voie à une réforme des collectivités locales

Le vendredi 14 novembre, le Premier ministre Sébastien Lecornu a prononcé à Albi un discours particulièrement attendu lors des Assises des Départements de France. Devant les présidents de conseils départementaux, élus locaux et parlementaires, il a livré une intervention dense, assumée, et tournée vers la refondation de la décentralisation

Dès les premières minutes, Lecornu a dressé un constat sévère sur deux décennies de décentralisation inaboutie et sur dix années de stagnation institutionnelle. À ses yeux, les difficultés dénoncées en 2015 sont restées pratiquement inchangées, à commencer par l’explosion des dépenses sociales, l’absence de compensation pérenne et l’impasse budgétaire dans laquelle se trouvent nombre de départements.

Dix ans de blocage institutionnel et l’illusion de la réforme permanente

En relisant la motion de l’ADF adoptée en 2015, Sébastien Lecornu a souligné que les alertes de l’époque demeurent pleinement d’actualité, notamment sur le financement du RSA, de l’APA et de la PCH. Il a dénoncé une forme de myopie collective consistant à raisonner uniquement à l’horizon de l’année suivante, abandonnant les visions pluriannuelles qui avaient autrefois orienté les grandes politiques publiques. Il a également critiqué un langage technocratique devenu incompréhensible pour les citoyens, composé de schémas, de sigles et de dispositifs qui relèguent la proximité au second plan. Enfin, il a rappelé que les réformes sociales sont parmi les plus sensibles, car elles touchent directement à l’équilibre entre égalité républicaine et liberté locale, cœur historique de la mission départementale.

Le fonds d’urgence doublé pour sécuriser les budgets départementaux

Face aux tensions financières croissantes, le Premier ministre a confirmé qu’un amendement gouvernemental viendrait doubler le fonds d’urgence destiné aux départements en difficulté. Les critères d’attribution resteront inchangés et les départements les plus fragiles seront protégés. Ceux disposant d’une capacité financière plus solide seront mis davantage à contribution. Il a toutefois précisé que cette mesure n’est qu’une réponse transitoire visant à éviter tout défaut budgétaire en 2025. Pour lui, seule une réforme structurelle permettra de stabiliser durablement les finances locales.

L’allocation sociale unique : la réforme phare annoncée pour décembre

Sébastien Lecornu a annoncé une évolution majeure : la création d’une allocation sociale unique rassemblant le RSA, la prime d’activité et certaines aides au logement. Cette réforme doit simplifier l’accès aux droits, réduire la fraude, limiter le non-recours et rationaliser l’action des CAF et des départements. Inspirée du succès d’impots.gouv.fr, la création d’un portail social.gouv.fr doit permettre aux bénéficiaires de consulter rapidement leurs droits, tandis que les travailleurs sociaux disposeront d’une vision complète et unifiée. Le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres en décembre, avec la volonté d’engager dès 2025 une refonte profonde de la gestion des aides sociales.

Décentraliser la santé de proximité et redéfinir le rôle des ARS

Le Premier ministre a ouvert un chantier sensible : la place des agences régionales de santé dans la planification des soins de proximité. Selon lui, les ARS ne sont plus adaptées pour organiser efficacement l’offre de soins locaux. Il a proposé de confier davantage de responsabilités aux départements, en lien avec les préfets, l’Ordre des médecins, l’assurance maladie et les facultés de médecine. Cette orientation répond à l’urgence des déserts médicaux, considérée comme l’un des enjeux majeurs de la décennie à venir. Lecornu a rappelé que de nombreux départements avaient déjà innové en matière de santé, parfois en marge du cadre juridique national, preuve que la proximité est un levier incontournable.

Logement, énergie, infrastructures : la nécessité d’une clarification profonde

Au-delà du médico-social et de l’autonomie, Sébastien Lecornu a évoqué d’autres domaines nécessitant, selon lui, une clarification durable. Le logement, l’aménagement, les réseaux d’électricité et de gaz ou encore la gestion des routes figurent parmi les secteurs où l’organisation actuelle apparaît trop éclatée. Il a rappelé que l’État n’entretient que 10 000 kilomètres de routes quand les départements en gèrent plus de 400 000, une incohérence structurelle qui empêche toute rationalisation. Cette réflexion ne vise pas à supprimer une strate du « millefeuille territorial », mais à répartir les responsabilités de manière lisible et cohérente pour les citoyens.

Faire des départements la collectivité des solidarités

Le Premier ministre a posé une orientation forte : faire des conseils départementaux la collectivité des solidarités, qu’il s’agisse des solidarités humaines ou territoriales. Pour que cette mission soit durablement soutenable, il a estimé indispensable de revoir le modèle de financement des départements. Il a ainsi défendu une évolution majeure, considérée comme logique et structurante : l’attribution d’une part de CSG aux départements. Selon lui, cette ressource doit remplacer la logique actuelle de compensation annuelle, jugée instable, opaque et source de tensions récurrentes entre collectivités et État.

Un appel à la responsabilité nationale pour éviter la crise institutionnelle

Sébastien Lecornu a conclu en appelant à la responsabilité collective, affirmant qu’un budget doit impérativement être voté d’ici la fin de l’année. Sans cela, aucune réforme ne pourra être engagée. Il a dénoncé les discours cherchant à entretenir le chaos institutionnel et a rappelé que la démocratie représentative repose sur un lien solide entre l’État, les collectivités et les citoyens. Pour lui, la clarification des compétences et des financements n’est ni un enjeu partisan ni un exercice cosmétique, mais une nécessité pour restaurer la compréhension de l’action publique par les Français.

Avec ce discours fondateur, le Premier ministre a ouvert la voie à un nouvel acte de décentralisation, articulé autour de la sécurité financière des départements, de la modernisation des politiques sociales et de la lutte contre la fracture territoriale. En plaçant les départements au cœur de la solidarité nationale, il entend engager une transformation profonde de l’État et offrir une visibilité à long terme aux collectivités locales, dans un contexte où les crises sociales, économiques et sanitaires imposent une cohérence nouvelle à l’action publique.

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