Dans une lettre adressée aux chefs d’entreprise, Jordan Bardella promet 100 milliards d’euros d’économies et des baisses massives d’impôts. Le président du RN cherche à rassurer les milieux économiques et à présenter son parti comme une option gouvernementale crédible, séduisant une partie du patronat.

Le 3 septembre, les dirigeants d’entreprise ont découvert dans leur courrier une missive signée Jordan Bardella. Le président du Rassemblement national y détaille pourquoi son parti ne votera pas la confiance à François Bayrou, pressenti pour Matignon, tout en livrant un programme économique calibré pour séduire les milieux d’affaires. « Nul gouvernement ne saurait convaincre lorsqu’il a creusé la dette publique et aggravé le déficit commercial dans des proportions inégalées depuis plus d’un demi-siècle », écrit-il. Une manière de justifier le refus du RN sans apparaître comme un facteur d’instabilité : « Nous savons combien l’incertitude politique fragilise la vie économique, mais cette instabilité ne procède pas de notre action », ajoute Bardella.

Surtout, la lettre esquisse un « pacte de confiance » avec les patrons. Au menu, plus de 100 milliards d’euros d’économies, obtenues en supprimant ce que le RN qualifie de « mauvaises dépenses publiques », en rationalisant l’appareil administratif et en réduisant le coût de la bureaucratie. Le parti entend aussi réaliser des coupes dans les dépenses liées à l’immigration, fidèle à sa ligne politique. En contrepartie, Jordan Bardella promet des baisses d’impôts, notamment un allègement massif de 20 % des impôts de production, régulièrement dénoncés par les organisations patronales comme le Medef ou la CPME.

Cette stratégie vise à convaincre les chefs d’entreprise que l’arrivée du RN à Matignon n’aurait rien d’un saut dans l’inconnu. L’opération séduction semble porter ses fruits. Des figures du patronat, comme Geoffroy Roux de Bézieux, ancien président du Medef, jugent que « le RN vise juste ». Dans les cercles économiques, un argument revient avec insistance : « On n’a jamais essayé ». D’autres insistent sur la nécessité de « remettre de l’ordre », un discours qui trouve écho dans un climat marqué par la peur des blocages sociaux.

Car la lettre de Bardella intervient à quelques jours de la mobilisation prévue le 10 septembre, qui menace de paralyser l’activité économique. Pour une partie du patronat, l’offre du RN apparaît comme une alternative au programme de la gauche radicale, perçu comme une « spoliation » de leurs intérêts. Cette évolution marque une rupture avec le passé : encore en 2010, l’ex-présidente du Medef Laurence Parisot faisait de la lutte contre l’extrême droite une ligne rouge absolue.

La présence de Jordan Bardella à la dernière REF, l’université d’été du Medef, illustre ce basculement. Pour la première fois, un leader du RN a été convié à cet événement, aux côtés des autres responsables politiques. Un signe que dans les milieux d’affaires, l’extrême droite française ne fait plus figure de paria, mais de force politique avec laquelle il faut désormais compter.

Sources :
France Info – « Dans les milieux d’affaires, le Rassemblement national se normalise » – 4 septembre 2025 – lien