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Donald Trump. Image : Capture d'écran CNN.

Trump relance les essais nucléaires : vers une nouvelle ère de prolifération ?

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En annonçant sa volonté de reprendre les essais d’armes nucléaires, le président américain Donald Trump a rouvert un chapitre que le monde pensait clos depuis plus de trente ans. Une décision lourde de conséquences qui pourrait déclencher une réaction en chaîne de la part de la Russie et de la Chine, et faire vaciller l’équilibre stratégique mondial.

Quelques heures avant sa rencontre avec Xi Jinping en Corée du Sud, Donald Trump a pris de court la communauté internationale ce 31 octobre en ordonnant au Pentagone de « commencer à tester » les armes nucléaires américaines. Cette décision, présentée comme une mesure de « réaffirmation stratégique », a immédiatement suscité des inquiétudes quant à une reprise de la course à l’armement.

Selon le président américain, ces tests sont nécessaires face aux « programmes d’essais » menés par d’autres puissances. Mais pour les experts, cette justification masque une logique d’escalade. « Nous sommes déjà au cœur d’une course à l’armement à trois entre la Russie, les États-Unis et la Chine », explique William Hartung, du Quincy Institute, à Washington.

« La reprise des essais nucléaires aggraverait cette situation instable, voire la rendrait bien pire », ajoute-t-il.

Pékin et Moscou réagissent, la Chine en embuscade

La Chine a immédiatement appelé Washington à « respecter sérieusement » ses engagements dans le cadre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et à « préserver le système mondial de non-prolifération ».

Selon Doreen Horschig, chercheuse au Center for Strategic and International Studies (CSIS), la Chine serait paradoxalement la principale bénéficiaire d’une relance des essais :

« Pékin n’est pas encore au niveau de Washington ou de Moscou, mais une reprise des tests américains accélérerait sa propre montée en puissance. »

Le Pentagone estime que la Chine dispose actuellement d’environ 500 ogives nucléaires opérationnelles et pourrait en compter plus de 1 000 d’ici 2030. Le Sipri (Institut international de recherche sur la paix de Stockholm) évalue ce stock à environ 600 têtes déployées et stockées en 2025.

La Russie menace de riposter

À Moscou, la réponse ne s’est pas fait attendre. Le président Vladimir Poutine a déclaré qu’il « envisagerait » de relancer les essais nucléaires russes si Washington passait à l’acte, précisant qu’il avait chargé son Conseil de sécuritéd’étudier les conditions d’une reprise possible.

Le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, a cité l’archipel de la Nouvelle-Zemble, dans l’Arctique, comme possible site d’essai, tandis que le chef des services de renseignement, Sergueï Narychkine, demandait aux États-Unis de « clarifier la portée réelle des déclarations de Donald Trump ».

Poutine a toutefois rappelé que la Russie avait « scrupuleusement respecté » le TICE depuis 1996 et n’agirait qu’en réaction directe à un acte américain.

Une architecture du désarmement en ruine

Les annonces de Washington et Moscou interviennent dans un contexte où l’architecture internationale du contrôle des armements se délite.

Le Traité INF sur les missiles de portée intermédiaire, signé en 1987, a été abandonné en 2019. Le dernier grand accord de désarmement encore en vigueur, le New START, qui limite le nombre d’ogives stratégiques déployées, expire en février 2026. Les inspections mutuelles prévues par le traité sont suspendues depuis 2023, conséquence de la guerre en Ukraine.

Moscou a proposé une prolongation d’un an sans mécanisme d’inspection, tandis que Donald Trump a simplement évoqué « une bonne idée » sans prendre d’engagement concret.

« Lorsque l’on supprime les restrictions nucléaires, c’est un problème majeur pour le monde entier », avait pourtant reconnu le président américain en juillet dernier.

Vers un retour à la prolifération ?

Pour Daryl Kimball, directeur de l’Arms Control Association (ACA), la décision américaine « pourrait déclencher une réaction en chaîne d’essais nucléaires » et « faire voler en éclats le régime mondial de non-prolifération ».

À ce jour, seule la Corée du Nord a effectué des essais nucléaires réels depuis trente ans, entre 2006 et 2017. Les États-Unis, la Russie et la Chine se contentent de tests de vecteurs et de simulations informatiques, domaines où Washington reste très en avance.

Mais pour Doreen Horschig (CSIS), le risque de surenchère est bien réel :

« Même si les États-Unis n’ont pas besoin de reprendre des essais physiques, l’effet politique de cette annonce pourrait suffire à relancer une spirale de prolifération. »

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