Alors que les États-Unis se retirent de l’accord de Paris, la Chine et le Brésil s’imposent comme les nouveaux moteurs de la diplomatie climatique mondiale. À l’occasion de la COP30 à Belém, le bloc des Brics+ (Chine, Brésil, Inde, Russie, Afrique du Sud et alliés) entend affirmer son leadership et défendre une vision du climat centrée sur le Sud global.
À l’heure où Washington se désengage des négociations climatiques, une nouvelle coalition tente de reprendre la main. Pékin et Brasilia, portés par le cadre des Brics+, apparaissent aujourd’hui comme les fers de lance d’une action climatique rééquilibrée entre Nord et Sud. Dix ans après l’accord de Paris, la COP30, qui se tient à Belém, aux portes de l’Amazonie, du 10 au 21 novembre, marque peut-être un tournant dans la gouvernance mondiale du climat.
Depuis un an, la Chine multiplie les initiatives diplomatiques pour consolider son rôle de partenaire global. Le président et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Xi Jinping, qui a participé en avril dernier à un sommet virtuel organisé par le Brésil sur la « transition juste », a réaffirmé son engagement à renforcer la coopération Sud-Sud dans la lutte contre le réchauffement. Cette dynamique illustre un rapprochement inédit entre Pékin et Brasilia, désormais unis dans une stratégie d’influence commune.
Les Brics+, élargis depuis 2024 à l’Égypte, l’Iran, l’Éthiopie, l’Indonésie et les Émirats arabes unis, regroupent près de la moitié de la population mondiale et plus du quart du PIB planétaire. Longtemps perçu comme un forum économique, le bloc met aujourd’hui la question climatique au cœur de son agenda. Lors de son sommet de juillet, il a adopté un cadre de financement pour l’action climatique, insistant sur la réforme des banques multilatérales de développement, la mobilisation de capitaux privés et l’accès facilité aux fonds pour les pays du Sud.
Pour la directrice de la COP30, Ana Toni, proche du FEM, les Brics+ considèrent désormais le climat comme « un pilier de la prospérité et du développement ». Dans une déclaration commune, leurs ministres de l’Environnement ont réaffirmé leur « engagement indéfectible » en faveur de l’accord de Paris, tout en appelant à un partage plus équitable du financement climatique. Le Brésil, qui préside à la fois la COP30 et les Brics, pousse pour la création d’un fonds dédié à la protection des forêts tropicales, dont 20 % seraient réservés aux peuples autochtones.
Mais cette montée en puissance n’est pas exempte de contradictions. Le texte final des Brics+ réaffirme aussi « le rôle des combustibles fossiles dans le bouquet énergétique mondial », une position qui affaiblit la portée de leurs engagements. Pour Manuel Pulgar–Vidal, directeur climat et énergie au WWF et contributeur du FEM, le bloc « envoie un signal ambigu » en combinant ambitions vertes et dépendance persistante aux hydrocarbures.
Sur le plan économique, la Chine tire toutefois son avantage de la transition énergétique mondiale : elle produit plus de 80 % des panneaux solaires et 70 % des véhicules électriques dans le monde. En 2024, ses exportations de technologies propres auraient permis d’éviter l’émission de 4 milliards de tonnes de CO₂. Pékin investit aussi massivement dans les énergies renouvelables à l’étranger, notamment via la Nouvelle Banque de développement des Brics, qui finance désormais davantage de projets solaires et éoliens que de centrales à charbon.
Pour le Brésil du contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Luiz Inácio Lula da Silva, cette coopération avec la Chine est stratégique. Le pays entend redevenir un médiateur entre le Nord et le Sud sur les questions climatiques, tout en renforçant son leadership en Amérique latine. Ensemble, les deux puissances pourraient incarner un nouveau « G2 climatique », selon les analystes de l’Observatório do Clima, capable de succéder au tandem États-Unis–Chine qui a dominé les négociations pendant deux décennies.
Reste à savoir si les Brics+ sauront transformer leurs ambitions en engagements concrets. En coulisses, Pékin reste prudent : elle revendique son statut de pays en développement pour éviter de se voir imposer des contraintes trop lourdes. Si l’Inde accueille la COP33 en 2028, les BRICS consolideront toutefois leur présence durable dans la gouvernance climatique mondiale.
Sources :
Carbon Brief – « Les Brics+ vont-ils reprendre le flambeau de l’action climatique ? » – Traduit et publié par Courrier International, 6 novembre 2025
The Guardian, Reuters, Modern Diplomacy, Observatório do Clima – articles cités par Carbon Brief