Après la prise d’El-Fasher par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), les Nations unies et la Croix-Rouge font état d’exécutions sommaires, de viols collectifs et de massacres à grande échelle. La communauté internationale, encore impuissante, est appelée à réagir face à ce que l’ONU qualifie déjà d’« atrocités effroyables ».
El-Fasher, dernière grande ville du Darfour encore tenue par l’armée régulière soudanaise, est tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) après dix-huit mois de siège. Depuis ce dimanche 26 octobre, la ville est devenue un enfer à huis clos. Les communications y sont coupées, mais les témoignages parvenus jusqu’aux agences humanitaires dessinent un tableau d’horreur absolue.
Lors d’un point presse à Nairobi, Seif Magango, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), a décrit des « témoignages effroyables » et des « images choquantes » reçues depuis la chute de la ville. Les récits font état d’exécutions sommaires, de massacres de civils, de viols collectifs, de pillages et d’enlèvements. Les survivants qui ont réussi à fuir vers Tawila, à une centaine de kilomètres, parlent d’une ville transformée en champ de mort.
L’ampleur du drame humain dépasse déjà l’imaginable. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au moins 460 personnes ont été tuées à l’hôpital d’El-Fasher, unique structure encore partiellement en activité. Entre dimanche et mercredi, plus de 62 000 civils ont fui la ville, tandis que des dizaines de milliers d’autres restent piégés sous les tirs croisés, d’après les estimations de l’ONU.
Dans un communiqué d’une rare gravité, Mirjana Spoljaric, présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a dénoncé « des structures autrefois destinées à sauver des vies [devenues] des lieux de mort et de dévastation ». « Aucun patient ne devrait être tué dans un hôpital, aucun civil ne devrait être abattu alors qu’il tente de fuir », a-t-elle insisté, avant d’appeler la communauté internationale à « agir avec force et détermination ».
Les témoignages recueillis par le HCDH font aussi état de violences sexuelles d’une extrême brutalité. Au moins 25 femmes auraient été victimes de viols collectifs dans un abri pour déplacés proche de l’université d’El-Fasher. Des témoins affirment que des combattants des FSR ont « sélectionné » leurs victimes sous la menace d’armes avant de contraindre les autres réfugiés à fuir.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme réclame désormais des enquêtes indépendantes et transparentes sur l’ensemble des crimes rapportés, tandis que les FSR affirment avoir ouvert des procédures internes. Leur chef, Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », a annoncé l’arrestation de plusieurs combattants, dont Abou Loulou, filmé en train d’exécuter des civils non armés. Des images dont l’authenticité a été confirmée par plusieurs sources onusiennes.
Mais pour les observateurs humanitaires, ces annonces ne suffisent pas. L’appel lancé par la Croix-Rouge résonne comme un cri d’alarme : « Le monde ferme les yeux sur les horreurs indicibles que subissent les civils au Soudan », a déclaré Mirjana Spoljaric. Dans une région déjà ravagée par vingt ans de guerre, El-Fasher symbolise aujourd’hui le naufrage d’un pays plongé dans une spirale de barbarie.
Sources :
- Le Monde – « Soudan : l’ONU et la Croix-Rouge dénoncent “les atrocités commises” pendant et depuis la prise d’El-Fasher par des paramilitaires » – lemonde.fr
– 31 octobre 2025
- AFP – dépêche reprise par Le Monde, 31 octobre 2025
- ONU Info – « Darfour : le HCDH alerte sur les atrocités commises à El-Fasher » – news.un.org
– octobre 2025
- CICR – communiqué officiel de Mirjana Spoljaric sur la situation au Soudan – icrc.org
– octobre 2025