Les quatre hommes les plus riches d’Afrique possèdent à eux seuls une fortune supérieure à celle de 750 millions de personnes, selon un rapport d’Oxfam publié ce jeudi 10 juillet. L’ONG dénonce un « échec politique » alimentant un système fiscal favorable aux élites et creusant les inégalités extrêmes.
Les inégalités de richesse atteignent des sommets vertigineux en Afrique. Selon un rapport d’Oxfam publié jeudi 10 juillet, quatre milliardaires concentrent davantage de richesses que la moitié de la population du continent. Leur fortune cumulée s’élève à 57,4 milliards de dollars, surpassant celle de 750 millions de personnes africaines, souligne l’ONG.
Cette concentration intervient alors que plus d’un tiers de la population africaine vit sous le seuil d’extrême pauvreté, soit environ 460 millions d’individus, d’après les données de la Banque mondiale. Et le nombre de personnes pauvres continue de croître, révélant un déséquilibre structurel de plus en plus difficile à contenir.
Les quatre milliardaires identifiés sont Aliko Dangote, magnat nigérian du ciment, du sucre et des engrais, ainsi que trois autres figures majeures du continent : les Sud-Africains Johann Rupert, actif dans le luxe, et Nicky Oppenheimer, héritier des diamants, ainsi que l’Egyptien Nassef Sawiris, industriel et constructeur. Tous apparaissent en tête du classement Forbes 2025 des grandes fortunes africaines.
Pour Oxfam, cet écart abyssal résulte d’une absence criante de volonté politique. « Les personnes fortunées qui placent leur patrimoine dans des structures d’entreprise et transfèrent leurs capitaux à l’étranger voient leur fortune se multiplier sans être imposées de manière proportionnelle », accuse l’organisation. Depuis 1980, aucun pays africain n’a augmenté son taux d’imposition effectif, faisant du continent une exception mondiale en la matière.
L’ONG préconise un relèvement des taxes, estimant que taxer de 1 % supplémentaire le patrimoine des plus riches et de 10 % leurs revenus permettrait de financer l’accès universel à l’éducation et à l’électricité. Elle fustige un système « truqué » et un « échec politique » qui permettent à une élite de s’enrichir tout en laissant des centaines de millions de personnes privées des services les plus élémentaires.
« Plus des trois cinquièmes de la fortune des milliardaires dans le monde proviennent du copinage, de la corruption, de l’abus de pouvoir monopolistique et de l’héritage, ce qui est particulièrement vrai en Afrique », affirme Oxfam. Sa directrice continentale, Fati N’zi-Hassane, dénonce un modèle qui « sape la démocratie, entrave la réduction de la pauvreté, aggrave la crise climatique et conduit au déni des droits fondamentaux ».
Le rapport de l’ONG coïncide avec l’ouverture de la réunion semestrielle de l’Union africaine, dont les États membres se sont engagés à réduire les inégalités de 15 % au cours de la prochaine décennie. Un objectif que beaucoup jugeront ambitieux face à l’ampleur de la tâche et à la solidité des systèmes qui protègent ces grandes fortunes.
source : Le Monde