Au théâtre Marigny, à deux pas de l’Élysée, Jordan Bardella a présenté son nouveau livre Ce que veulent les Français, un recueil de témoignages censé incarner la « France silencieuse ». Devant Marine Le Pen et l’état-major du RN, le jeune chef d’extrême droite a transformé cette soirée littéraire en véritable lancement de campagne, revendiquant à la fois l’écoute du peuple et la préparation au pouvoir.

Le décor n’avait rien d’un hasard. À quelques mètres du palais de l’Élysée, Jordan Bardella a choisi le théâtre Marigny, symbole du Paris politique et culturel, pour dévoiler Ce que veulent les Français, son deuxième ouvrage publié chez Fayard. Dans une salle comble de plus d’un millier de personnes, parmi lesquelles Marine Le Pen, Éric Ciotti, Sébastien Chenu et plusieurs figures du Rassemblement national, le président du parti a pris la parole seul sur scène, micro à la main, pour un discours au ton à la fois grave et intimiste.

Après le succès de son autobiographie Ce que je cherche (230 000 exemplaires vendus), Bardella revient avec un livre « différent », dit-il, « né de rencontres, d’écoute et d’humilité ». Loin du manifeste politique pur, Ce que veulent les Français se présente comme un carnet de route, nourri d’échanges avec des ouvriers, agriculteurs, soignants, policiers, enseignants ou entrepreneurs rencontrés au fil de plusieurs mois de voyage à travers le pays.

« Ce livre n’est pas le mien, il est celui des Français », a insisté Bardella devant un public conquis. « J’ai voulu écrire tout ce que j’ai entendu, tout ce que j’ai ressenti. Ce que veulent les Français, c’est l’ordre, le respect, le travail et le bon sens. » Le chef du RN a ainsi déroulé, au fil de sa présentation, les thèmes phares de son discours politique : sécurité, mérite, liberté d’entreprendre, défense du service public, respect des forces de l’ordre et fierté nationale.

Une soirée entre littérature et stratégie politique

Mais au-delà du geste littéraire, c’est bien un moment politique qu’a orchestré le jeune président de 30 ans. À la veille d’une tournée nationale de dédicaces dans le Pas-de-Calais, l’Yonne, l’Aude et le Gard — terres conquises par le RN —, Bardella transforme son livre en outil de terrain. « Le pouvoir, je m’y prépare, j’y travaille », confiait-il quelques heures plus tôt dans Le Parisien.

Enchaînant les interviews et les plateaux de télévision — France 2 jeudi, RTL vendredi —, il assume la dimension stratégique de ce lancement, qu’il présente comme « un dialogue avec les Français », mais que ses adversaires politiques perçoivent comme le véritable coup d’envoi de sa campagne nationale.

La symbolique du lieu n’échappe à personne : face à l’Élysée, le candidat désigné du RN pour Matignon, voire pour la présidence en cas d’empêchement judiciaire de Marine Le Pen, veut se poser en héritier politique prêt à gouverner. « À la tête d’un parti qui a vocation à arriver au pouvoir dans quelques mois », affirme-t-il, laissant planer le doute sur ses ambitions réelles.

Le récit d’une France « qui se confie »

Dans son discours, Bardella a repris la trame de son livre : celle d’une France « qui travaille sans se plaindre », d’un peuple qui « ne demande rien d’autre que de vivre dignement ». Il évoque Mathieu, policier de la BRI présent lors des attentats du Bataclan, Sarah, médecin en soins palliatifs, ou encore François, agriculteur du centre du pays. Des destins anonymes érigés en symboles d’un pays « oublié par les élites » mais encore debout grâce à « ceux qui l’aiment en silence ».

« Les solutions aux crises que nous traversons sont dans la bouche et dans le cœur des Français », martèle Bardella, dans un style qui emprunte autant à la rhétorique populiste qu’à la littérature sociale. « Les Français paient toujours plus pour recevoir toujours moins. Ils veulent qu’on les écoute, qu’on les respecte et qu’on leur rende leur fierté. »

Cette proximité revendiquée, Bardella la transforme en stratégie de conquête : une campagne d’écoute qui lui permet d’incarner une génération politique nouvelle, débarrassée, selon lui, des codes de la « vieille politique ». « Ce que veulent les Français, c’est qu’on leur parle vrai », répète-t-il.

Vers un Bardella candidat

Derrière la plume et la posture, le projet politique se dessine nettement. À cinq mois des municipales et alors que le Rassemblement national s’affirme comme la première force politique du pays dans les sondages, Jordan Bardella se prépare à franchir une étape décisive. L’eurodéputé, en poste à Bruxelles depuis six ans, a déjà laissé entendre qu’il briguerait prochainement une circonscription législative « pour être au contact du suffrage direct ».

Son livre, par son ton empathique et son récit du quotidien français, s’apparente dès lors à un préambule de candidature. Un manifeste feutré mais assumé, dont le titre même — Ce que veulent les Français — résonne comme une promesse de programme politique.

À l’issue de la soirée, ovationné par une salle debout, Bardella a clos son intervention par ces mots : « Les Français veulent qu’on leur redonne le sens du destin. Je sais pourquoi je me lève chaque matin : pour eux, pour la France. »

Sources :

AFP – À deux pas de l’Élysée, Bardella lance son nouveau livre et sa nouvelle campagne – 28 octobre 2025 – https://www.afp.com

Discours de Jordan Bardella – Présentation du livre “Ce que veulent les Français” – 28 octobre 2025 – retranscription complète.