Le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du maire Benoît Payan (PS) d’interdire la projection du film Sacré-Cœur, son règne n’a pas de fin, jugée contraire au principe de laïcité. Le juge a estimé qu’une œuvre à caractère religieux pouvait être diffusée dans un lieu public dès lors qu’elle ne constitue pas une reconnaissance d’un culte.
Coup de théâtre juridique dans la cité phocéenne. Le tribunal administratif de Marseille a ordonné ce samedi 25 octobre au maire Benoît Payan d’autoriser la projection du film Sacré-Cœur, son règne n’a pas de fin, initialement déprogrammée par la municipalité au château de la Buzine. Saisi en urgence, le juge des référés a donné raison aux réalisateurs du film et au sénateur des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier, soutien du Rassemblement national, qui dénonçaient une atteinte à la liberté d’expression et à la neutralité artistique.
Mercredi dernier, la ville de Marseille avait annulé la projection prévue dans ce cinéma municipal au motif qu’elle constituait une possible violation de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. L’exécutif local estimait qu’un film “portant un message religieux explicite” n’avait pas sa place dans un établissement géré directement par la commune.
Une justification balayée par la justice. Dans son ordonnance, le juge rappelle que “la seule diffusion d’une œuvre cinématographique susceptible de présenter un caractère religieux dans un cinéma municipal ne porte pas, par elle-même, atteinte au principe de laïcité dès lors que cette diffusion n’exprime pas la reconnaissance par la commune d’un culte, ni une préférence religieuse”. En d’autres termes, une œuvre d’inspiration religieuse peut être projetée dans un lieu public, tant qu’elle n’est pas promue au nom d’une croyance.
Une “censure” réparée, selon les requérants
Pour Me Grégoire Belmont, avocat des réalisateurs et de Stéphane Ravier, cette décision constitue “la réparation d’une injustice”. “Le film avait été retenu pour sa qualité artistique avant d’être censuré pour un motif religieux. La mairie aurait dû l’envisager comme une œuvre d’art, non comme une profession de foi”, a-t-il déclaré. Avant d’ajouter : “La laïcité n’est pas un athéisme d’État. Elle garantit la neutralité publique, pas la négation de toute expression religieuse dans l’art.”
Cette interprétation rejoint celle défendue par plusieurs juristes, qui rappellent que la jurisprudence administrative a toujours distingué la neutralité des institutions et la liberté de création artistique, deux principes également protégés par la Constitution.
Une affaire politique sensible
Le maire socialiste a pris acte de la décision du tribunal et que la diffusion du film serait bien rétablie dès ce samedi 25 octobre, conformément à l’injonction du juge, et jusqu’au 28 octobre 2025.
Le film Sacré-Cœur, présenté comme un docu-fiction retraçant la symbolique religieuse et patrimoniale du Sacré-Cœur de Montmartre, a été soutenu par plusieurs associations catholiques. Son contenu, mêlant images d’archives et témoignages spirituels, avait suscité la méfiance de la mairie, soucieuse d’éviter tout risque de polémique confessionnelle à l’approche des élections municipales.
Pour Stéphane Ravier, figure du RN à Marseille, la décision de justice représente “une victoire pour la liberté culturelle et contre la censure idéologique”. De son côté, l’opposition municipale de gauche redoute que l’affaire ne serve de tremplin politique au sénateur d’extrême droite.
Quoi qu’il en soit, le juge a tranché : dans la ville de la Bonne Mère, le principe de laïcité ne saurait être brandi pour restreindre la diffusion d’une œuvre d’art.
Sources :
[Ordonnance du tribunal administratif de Marseille – référé du 25 octobre 2025]