Menacé de mort depuis cinq ans pour avoir refusé de payer le “pizzo”, la taxe mafieuse, Lazzaro d’Auria vit sous protection policière permanente. Cet agriculteur des Pouilles, symbole de résistance face à la “quatrième mafia”, incarne la lutte courageuse d’une région gangrenée par l’omerta et la peur.
Chaque matin, avant de rejoindre ses terres, deux policiers en civil inspectent les abords de la propriété. Lazzaro d’Auria ne sort jamais sans eux. Dans les Pouilles, au sud de l’Italie, cet agriculteur vit sous surveillance constante. La mafia locale le menace de mort depuis cinq ans, depuis qu’il a refusé de payer le pizzo, ce racket déguisé en taxe “locale” imposée par les clans. “Un jour, un des mafieux m’a mis un revolver sur la tempe et m’a dit : ‘Tu dois payer 150.000 euros, ou tu finiras comme ton ami qu’on a éliminé’”, raconte-t-il à TF1.
Propriétaire de 60 hectares de terres fertiles, Lazzaro est devenu une cible. Depuis qu’il a porté plainte, ses fournisseurs et clients ont été menacés, contraints de rompre toute relation commerciale. “On a perdu une grande partie de notre chiffre d’affaires, mais je ne céderai pas”, confie-t-il. Sur son exploitation, trois camions ont été incendiés, un millier de cageots brûlés, des signaux clairs envoyés à tous ceux qui songeraient à suivre son exemple.
Dans la province de Foggia, on estime que huit entreprises sur dix paient encore une “taxe de tranquillité” à la mafia. Ce réseau, surnommé la quarta mafia, est moins connu que la Cosa Nostra sicilienne, la Camorra napolitaine ou la ’Ndrangheta calabraise, mais tout aussi redoutable. Ses activités mêlent trafic d’armes, drogue, vols de voitures, extorsion et contrôle des marchés publics. “On sait qu’ici, tout se paie, même l’air que tu respires”, confie un habitant sous anonymat à nos confrères.
Face à cette criminalité “particulièrement dure et cruelle”, selon le capitaine Antonio Trocino, les carabiniers mènent une guerre quotidienne. Soixante agents d’élite opèrent 24 heures sur 24, multipliant les perquisitions et les arrestations dans cette région isolée. Certaines fouilles se soldent par des découvertes macabres : des cadavres enterrés, parfois donnés en pâture aux animaux.
Au cœur de cette bataille judiciaire, Ludovico Vaccaro, procureur général à Foggia, est devenu l’un des visages de la résistance. Sous protection permanente, il gère plus de 5.000 dossiers liés au crime organisé. “Ces mafieux utilisent des techniques paramilitaires, bloquent les routes, braquent des fourgons blindés avec des kalachnikovs. Il faut une justice plus rapide et plus ferme”, plaide-t-il.
Dans ce climat de peur et de violence, Lazzaro d’Auria reste debout. Son combat est devenu un symbole de courage civil en Italie. “Je n’ai pas peur, dit-il. Si je paye, je trahis tous ceux qui ont déjà payé et qui ne sont plus là pour le raconter.”
Sources :
TF1 – Reportage : “Pouilles, un agriculteur face à la mafia” (octobre 2025) – https://www.tf1info.fr