Après plusieurs semaines de manifestations menées par la jeunesse marocaine, le roi Mohammed VI a tenu, vendredi 10 octobre, un discours très attendu devant le Parlement à Rabat. Sans évoquer directement la contestation, le souverain a appelé à une « culture du résultat » dans la gestion publique et à un sursaut d’efficacité pour répondre aux attentes sociales, éducatives et sanitaires du pays.
À Rabat, la salle du Parlement bruissait d’attente. C’était la première prise de parole de Mohammed VI depuis le déclenchement du mouvement GenZ 212, une vague de manifestations initiée par de jeunes Marocains lassés des inégalités sociales et de la corruption. Le roi, fidèle à la solennité de l’ouverture de la session législative, s’est adressé à la représentation nationale dans un discours institutionnel, mais dont le ton, plus que les mots, trahissait une inflexion.
Sans mentionner explicitement la rue, le souverain a livré un « je vous ai compris » à demi-mot, exhortant le gouvernement à redonner confiance à la jeunesse. Il a demandé aux institutions de passer d’une logique de moyens à une logique de résultats, fustigeant les lenteurs administratives et les projets « chronophages et énergivores ». « Chaque dirham investi doit produire un effet tangible sur la vie des citoyens », a-t-il martelé.
Des priorités sociales réaffirmées
Le roi a réclamé une accélération des programmes de développement dans l’éducation et la santé, deux secteurs en crise où les retards accumulés nourrissent la défiance populaire. Il a par ailleurs annoncé la création d’une politique publique intégrée pour les zones montagneuses et oasiennes, régions les plus vulnérables du pays, notamment celles touchées par le séisme d’Al-Haouz en 2023. Ce double ciblage marque un tournant : le développement ne doit plus « se penser depuis le centre », mais « à partir des territoires eux-mêmes ».
Cette orientation territoriale s’accompagne d’une volonté de moderniser l’action publique. Mohammed VI a plaidé pour un recours accru aux données numériques afin d’évaluer, ajuster et coordonner les politiques locales. Il a également insisté sur la mise en œuvre du Plan national du littoral et du Programme des centres ruraux émergents, destinés à rapprocher les services publics des citoyens.
Un gouvernement épargné, des élus interpellés
Sans nommer le Premier ministre Aziz Akhannouch, régulièrement visé par les manifestants, le souverain l’a indirectement protégé, attribuant les dysfonctionnements actuels à un « manque de communication » plutôt qu’à une faute politique. En revanche, il a mis la pression sur les élus, appelés à « rendre compte » et à recréer un lien direct avec les citoyens.
Ce discours, s’il ne contient aucune annonce spectaculaire, se veut avant tout un texte de méthode. Mohammed VI y réaffirme les axes fixés lors du discours du Trône de juillet 2025 : justice sociale, réduction des inégalités spatiales et relance du développement territorial. Le message est clair : l’État doit désormais prouver son efficacité.
Une trêve fragile avec la jeunesse
Au lendemain de l’intervention royale, le collectif GenZ 212 a annoncé la suspension temporaire de ses rassemblements. Mais pour les observateurs, cette accalmie ne saurait durer sans gestes concrets. « Si, dans un temps raisonnable, aucun signal fort ne se matérialise, la trêve peut se refermer aussi vite qu’elle s’est ouverte », prévient le politologue Ali Attar, cité par Afrik.com.
Déjà, de nouveaux appels à manifester et à boycotter les produits « fabriqués par des corrompus » circulent sur les réseaux sociaux. Entre impatience populaire et prudence monarchique, le Maroc aborde une phase délicate : celle où les promesses doivent devenir résultats.
Sources :
– Le Desk – Mohammed VI exhorte à une “culture du résultat” pour apaiser la jeunesse, 13 octobre 2025 – ledesk.ma
– El Confidencial – El rey de Marruecos evita promesas concretas ante la protesta juvenil, 11 octobre 2025 – elconfidencial.com
– Afrik.com – Ali Attar : “La trêve des jeunes Marocains pourrait être de courte durée”, 12 octobre 2025 – afrik.com