Invité de BFMTV ce vendredi matin, Pierre Moscovici, a tiré la sonnette d’alarme sur l’urgence budgétaire et la situation politique “sans précédent” de la France. Et à la question directe d’Apolline de Malherbe — accepterait-il d’être Premier ministre ? —, il a répondu : “Je m’interrogerais sur le sens et la manière d’exercer la mission.” Moscovici a toutefois préconiser de s’appuyer sur le projet de budget déposé par Sébastien Lecornu. C’est la condition selon lui, pour que le budget reste constitutionnel. Explications.
Face à une crise qu’il juge “politique, démocratique et budgétaire à la fois”, Pierre Moscovici a dressé un constat sévère : “Nous vivons une instabilité gouvernementale inédite sous la Ve République, des institutions attaquées, des comptes publics en désordre, et une extrême droite plus haute que jamais.”
Pour celui qui est en train de quitter la Cour des comptes, l’urgence est désormais double : restaurer la gouvernance politique et sauver le calendrier budgétaire. Car, rappelle-t-il, pour que la France puisse continuer à financer ses services publics, “le projet de loi de finances doit être déposé d’ici lundi 13 octobre.”
Cela implique, selon lui, qu’un Premier ministre soit nommé dès ce soir, qu’un Conseil des ministres se tienne lundi et que le texte actuellement examiné par le Haut Conseil des finances publiques serve de base au débat parlementaire. “On ne peut pas tout réécrire en 48 heures, ce serait un risque constitutionnel”, prévient-il.
“Je m’interrogerais sur le sens et la manière d’exercer la mission”
Interrogé sur la possibilité de diriger un “gouvernement technique”, Pierre Moscovici n’a pas fermé la porte. “Un gouvernement technique, ce n’est jamais purement technique, c’est toujours politique”, a-t-il d’abord expliqué, citant les exemples de Mario Draghi en Italie ou de Mark Carney au Canada : “Ce sont des dirigeants politiques dotés d’une expertise particulière, capables de rassembler.”
Et lorsqu’Apolline de Malherbe lui a demandé s’il accepterait de devenir Premier ministre, sa réponse, mesurée mais lourde de sens, a fait réagir :
“Je m’interrogerais sur le sens et la manière d’exercer la mission.”
Moscovici a ajouté qu’être Premier ministre “n’est pas une question de souhait personnel”, mais de “sens donné à l’action publique” et de “capacité à restaurer la stabilité et la crédibilité du pays”.
S’il s’est refusé à confirmer toute ambition, il a laissé transparaître une disponibilité réfléchie : celle d’un profil d’expertise et d’équilibre, qui pourrait séduire l’Élysée dans le contexte de blocage actuel.
Une alerte budgétaire de fond : “Sous 5 % de déficit ou le risque d’avalanche”
L’ancien ministre de l’Économie a également mis en garde contre une dérive financière dangereuse. Selon lui, la France reste “le pays au déficit le plus élevé de la zone euro”, avec une dette publique dépassant 3 400 milliards d’euros, “probablement 3 500 milliards d’ici la fin de l’année”.
La charge d’intérêts, passée de 25 milliards en 2021 à près de 70 milliards, agit comme “une boule de neige qui grossit et peut déclencher une avalanche”.
Pierre Moscovici fixe donc une ligne rouge claire : le déficit 2026 devra rester “nettement sous 5 % du PIB”, afin de respecter la trajectoire européenne vers les 3 % en 2029.
“Ce n’est pas une négociation politique : c’est une exigence de crédibilité. Plus nous perdons en rigueur, plus nous payons cher notre dette, et moins nous pouvons investir dans l’écologie, la défense ou la santé”, a-t-il martelé.
Les retraites, “une question de société avant d’être budgétaire”
Sur la suspension possible de la réforme des retraites, Moscovici a rappelé la réalité des chiffres : le système est déficitaire de 6,6 milliards d’euros, la réforme devait rapporter 10 milliards d’ici 2030.
“Abroger la réforme, c’est créer un trou qu’il faudra combler autrement. Suspendre un an coûte quelques centaines de millions ; au-delà, beaucoup plus.” Mais il reconnaît que “la question est autant politique que financière : c’est un choix de société.”
Moscovici préconise de s’appuyer sur le projet de Budget déposé par Sébastien Lecornu
Pierre Moscovici a expliqué sur BFMTV que la France fait face à un double compte à rebours : politique et budgétaire.
Pour que le pays puisse continuer à fonctionner — payer ses fonctionnaires, financer la santé ou les collectivités —, le budget 2026 doit impérativement être présenté au Parlement avant le lundi 13 octobre.
Cela implique, selon lui, qu’un Premier ministre soit nommé dès ce soir et qu’un Conseil des ministres se tienne lundi afin d’adopter le projet déjà transmis au Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qu’il préside dont l’avis vient d’être rendu.
Ce texte, déposé le 2 octobre, doit servir de base au débat parlementaire, car il garantit la constitutionnalité du budget : sans l’avis formel du HCFP, la procédure serait juridiquement fragile.
En clair, le budget ne serait possiblement plus constitutionnel si le futur premier ministre ne s’appuie pas sur le projet transmis au HCFP. Quel que soit le Premier ministre nommé, le projet examiné lundi devrait donc être celui déjà validé par le HCFP, afin de respecter le calendrier des 70 jours de débat avant le 31 décembre.
“Tenir jusqu’en 2027, préparer la suite”
Enfin, l’ancien commissaire européen a plaidé pour le respect du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron :
“Pour la stabilité du pays, il est nécessaire que le mandat du président aille jusqu’à son terme. En 2027, ce sera au peuple de choisir une nouvelle donne.”
Son objectif, dit-il, est clair : “Faire en sorte que la Maison France soit dans un meilleur état en 2027 qu’aujourd’hui.”
Entre prudence institutionnelle et appel à la rigueur, Pierre Moscovici a livré un message rare : celui d’un homme de finances conscient de l’urgence, mais aussi d’un homme d’État au dessus de la mêlée qui, sans se déclarer, ne s’exclut plus.