Face à une vague de contestation inédite portée par la génération Z, le chef du gouvernement marocain Aziz Akhannouch cristallise les critiques. Accusé de conflits d’intérêts, de népotisme et d’immobilisme politique, il est désormais la cible d’un boycott économique et de revendications appelant à sa démission.
La colère gronde dans les rues marocaines, et un nom revient sans cesse sur les pancartes et les réseaux sociaux : celui d’Aziz Akhannouch. Deux semaines après le déclenchement des manifestations menées par le mouvement Gen Z 212, la jeunesse marocaine fait de l’homme d’affaires devenu Premier ministre le symbole d’un système jugé verrouillé et inégalitaire.
Dans son édition du 3 octobre, le magazine TelQuel ne mâche pas ses mots et titre en couverture : “Akhannouch coupable”. L’hebdomadaire accuse le chef du gouvernement de mêler intérêts privés et fonctions publiques. “Le Premier ministre gouverne pour son business et celui de ses proches”, écrit le magazine casablancais, rappelant qu’il avait attribué en 2024 le gigantesque projet de dessalement d’eau de mer de Casablanca — estimé à 6,5 milliards de dirhams — à un consortium incluant deux filiales de son propre groupe, Akwa. Le conflit d’intérêts est d’autant plus criant, note TelQuel, qu’Akhannouch préside lui-même la Commission nationale des investissements, autorité chargée d’octroyer les subventions publiques.
L’hebdomadaire dénonce également “un blocage méthodique des réformes”, notamment dans le secteur de la santé. La réforme de la Caisse d’assurance-maladie, censée soulager un système à bout de souffle, demeure gelée. TelQuel rappelle que des proches du Premier ministre détiennent des parts dans plusieurs groupes pharmaceutiques, alimentant les soupçons de favoritisme.
Sur les réseaux sociaux, la contestation s’organise avec vigueur. Selon le site Article 19, les jeunes militants du collectif Gen Z 212 ont lancé une vaste campagne de boycott visant les produits et services associés à l’empire Akhannouch. Sous le slogan “Boycott économique pour la justice”, des affiches circulent en ligne, listant les marques liées au Premier ministre. Essence, distribution, tourisme, médias : le chef du gouvernement contrôle un vaste réseau d’entreprises, parmi lesquelles Aujourd’hui le Maroc et La Vie éco.
La mobilisation s’étend désormais au terrain politique. Un “mémorandum revendicatif”, publié sur X et TikTok, exhorte le roi Mohammed VI à révoquer Aziz Akhannouch en vertu de l’article 47 de la Constitution. “Nous réclamons une refondation politique et sociale fondée sur la dignité, la justice et la responsabilité”, peut-on lire dans le texte, relayé par le site Barlamane.
Le mouvement, déclenché le 27 septembre, a déjà donné lieu à de violents affrontements avec les forces de l’ordre, causant trois morts et des centaines d’arrestations. Les jeunes manifestants dénoncent la dégradation des services publics, la hausse du coût de la vie et la concentration des richesses entre les mains d’une élite économique perçue comme indéboulonnable.
Face à cette fronde, la riposte médiatique s’organise. Dans un éditorial publié par Aujourd’hui le Maroc, propriété du groupe Akwa, le ton se veut apaisant : “Les fruits du travail accompli aujourd’hui se mesureront à long terme, lorsque les effets des investissements et des réformes seront visibles.” Mais pour une partie de la jeunesse marocaine, ces promesses n’ont plus de valeur.
Aziz Akhannouch, considéré comme l’un des hommes les plus riches du royaume, semble aujourd’hui isolé. Lui qui incarnait la stabilité et la technocratie à la tête du gouvernement est désormais accusé d’être le visage d’un système à bout de souffle. Et si le Palais n’a pas encore réagi officiellement, l’ampleur de la colère populaire pourrait bien précipiter un tournant politique au Maroc.
Sources :
Courrier international – « Au Maroc, le Premier ministre Aziz Akhannouch cristallise la colère des jeunes » – courrierinternational.com – 9 octobre 2025
TelQuel – « Akhannouch coupable » – 3 octobre 2025
Article 19 – « Boycott économique pour la justice » – 7 octobre 2025
Barlamane – « Le mémorandum du collectif Gen Z 212 adressé au Roi » – 8 octobre 2025
Aujourd’hui le Maroc – Éditorial sur la politique économique du gouvernement Akhannouch – 9 octobre 2025