Alors que la voiture occupe une place prépondérante sur le territoire français, avec près d’un million de kilomètres de routes à sa disposition, un nouveau rapport appelle à une révision en profondeur de cette domination. Le Forum Vies Mobiles soutenu par la SNCF propose de réaffecter près de la moitié des infrastructures routières aux transports en commun et aux mobilités douces, pour favoriser un modèle plus durable de déplacement.
La France s’est structurée depuis des décennies autour de la voiture individuelle, qui reste aujourd’hui le mode de transport majoritaire. Avec environ 1 million de kilomètres de routes, dont plus de 11 000 km d’autoroutes, le réseau routier français est l’un des plus denses d’Europe. Pourtant, cette omniprésence de la voiture est de plus en plus remise en question, à la lumière des enjeux environnementaux, sociaux et sanitaires.
Dans une étude publiée en septembre 2025, le think tank indépendant Forum Vies Mobiles, créé par la SNCF, propose une reconfiguration radicale de l’espace routier. L’objectif : réduire la place allouée à la voiture au profit des transports en commun et des mobilités douces (vélo, marche, etc.), dans le cadre d’un « système alternatif de mobilité ». Concrètement, le rapport suggère de restituer 23 % du réseau routier aux transports collectifs et 20 % aux modes actifs. Ce changement représenterait une transformation majeure du paysage urbain et périurbain.
« Il ne s’agit pas de supprimer la voiture, mais de repenser son usage », précise Sylvie Landriève, codirectrice du Forum Vies Mobiles. Dans cet esprit, l’étude plaide pour une hiérarchisation des infrastructures, où la voiture ne serait plus systématiquement prioritaire, notamment dans les centres urbains et les zones résidentielles.
Un changement de paradigme nécessaire
Selon les auteurs de l’étude, cette redistribution de l’espace routier permettrait de répondre à plusieurs défis. D’abord, celui de la transition écologique. Le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre en France, et la voiture en constitue la principale source. Réduire son usage serait donc un levier majeur pour atteindre les objectifs climatiques fixés par la France, l’Union européenne et les Nations unies.
Ensuite, l’enjeu est également social. Le modèle actuel repose sur une forte dépendance à la voiture individuelle, ce qui pénalise les personnes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas conduire. « Un système de mobilité plus inclusif suppose de développer massivement les transports collectifs, notamment dans les zones périurbaines et rurales », souligne le rapport.
Enfin, la reconfiguration proposée aurait aussi des bénéfices en matière de santé publique. Moins de circulation automobile signifie moins de pollution de l’air, moins de bruit, et une meilleure qualité de vie. En redonnant de l’espace à la marche et au vélo, les villes pourraient encourager des modes de vie plus actifs et plus sûrs.
Des résistances à anticiper
Toutefois, la mise en œuvre d’un tel plan ne va pas sans obstacles. La voiture reste profondément ancrée dans les pratiques quotidiennes, et son usage est souvent perçu comme une nécessité, notamment dans les territoires peu desservis par les transports collectifs. Modifier les infrastructures, réorganiser le trafic, repenser les usages : autant de défis techniques, politiques et culturels qui nécessitent une volonté forte des pouvoirs publics.
Le rapport du Forum Vies Mobiles ne propose pas de calendrier précis, mais appelle à des expérimentations locales, à l’image de certaines villes européennes comme Amsterdam ou Barcelone, qui ont amorcé une réduction de la place de la voiture en ville. La France pourrait s’en inspirer pour adapter progressivement son réseau routier à des mobilités plus sobres.
Source : Le Monde.