Abou Dhabi a mis en garde Israël contre tout projet d’annexion en Cisjordanie, qualifié de « ligne rouge » à ne pas franchir. Une prise de position qui fragilise l’équilibre issu des accords d’Abraham et complique la stratégie de Benyamin Netanyahou dans un Proche-Orient en pleine tourmente.
La déclaration a fait l’effet d’un rappel à l’ordre diplomatique. Mercredi 3 septembre, Lana Nusseibeh, ministre adjointe chargée des affaires politiques aux Émirats arabes unis, a averti qu’une annexion par Israël de territoires de Cisjordanie constituerait une « ligne rouge » pour Abou Dhabi. La mise en garde n’est pas anodine : signataires des accords d’Abraham en 2020, les Émirats sont l’un des rares pays arabes à avoir normalisé leurs relations avec Israël, aux côtés de Bahreïn, du Maroc et du Soudan.
Cette sortie publique a surpris Jérusalem. Selon une source israélienne citée par le Washington Post, « les Émirats avaient déjà exprimé leurs inquiétudes par d’autres canaux, mais cette déclaration a été une surprise ». L’avertissement a même eu un effet immédiat : la question de l’annexion a été retirée de l’ordre du jour d’une réunion entre Benyamin Netanyahou et plusieurs responsables israéliens, jeudi 4 septembre.
Le projet d’annexion est cependant loin d’être écarté. Plusieurs membres de la coalition au pouvoir continuent de pousser en ce sens. Le ministre des Finances Bezalel Smotrich, figure de l’extrême droite israélienne, a encore plaidé pour l’application de la « souveraineté israélienne en Judée-Samarie », appellation israélienne de la Cisjordanie. Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, aurait également abordé la question avec le Premier ministre, malgré son retrait formel de l’agenda.
À Washington, la réaction a été mesurée. En déplacement en Équateur, le secrétaire d’État Marco Rubio a rappelé que « rien n’est définitif » sur le dossier de l’annexion, tout en mettant en avant les tensions provoquées par les positions européennes, notamment de la France et du Royaume-Uni, qui s’apprêtent à reconnaître l’État de Palestine. Une telle reconnaissance, a-t-il averti, pourrait compliquer la poursuite des négociations de cessez-le-feu, en particulier avec le Hamas.
Au-delà des équilibres diplomatiques, la prise de position d’Abou Dhabi reflète une inquiétude plus large. Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, les Émirats, proches alliés des États-Unis mais liés économiquement à Israël par un accord de libre-échange signé en 2022, se retrouvent dans une position délicate. Dans une déclaration transmise à Reuters, Lana Nusseibeh a exhorté Tel-Aviv à « suspendre ces plans » de colonisation, ajoutant que « les extrémistes, quels qu’ils soient, ne peuvent être autorisés à dicter la trajectoire de la région ».
En rappelant ainsi ses lignes rouges, Abou Dhabi entend préserver l’équilibre fragile né des accords d’Abraham. Mais à l’heure où les violences persistent à Gaza et où Israël peine à contenir ses tensions internes, ce signal fort des Émirats complique encore davantage les calculs de Benyamin Netanyahou et de ses alliés.
Sources :
AFP – Déclaration de Lana Nusseibeh – 3 septembre 2025
Washington Post – Couverture sur la réaction israélienne – septembre 2025
Reuters – Déclaration des Émirats arabes unis – septembre 2025