La diffusion d’une religieuse voilée sur CNews a relancé un vieux débat : peut-on comparer le voile catholique au hijab musulman ? Si les deux couvrent la chevelure des femmes, leurs significations, leurs histoires et leur portée religieuse diffèrent profondément.
Le voile, objet de débats passionnés en France, est devenu une nouvelle fois un sujet de controverse. Tout est parti d’une séquence télévisée où une religieuse dominicaine, par ailleurs fille de Phillippe Deviliers est apparue à l’antenne voilée le 5 septembre dernier. Très vite, sur les réseaux sociaux, les internautes ont dénoncé un « deux poids deux mesures » : tolérance affichée pour l’habit des religieuses, rejet marqué du hijab musulman.
Cette opposition n’est pas nouvelle. Déjà, en 2019, l’ancien ministre de l’Intérieur et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Christophe Castaner soulignait que « nos mamans portaient le voile catholique », pour défendre le port du hijab. Mais derrière la ressemblance visuelle, les deux pratiques reposent sur des logiques très différentes.
Le voile catholique : un choix spirituel
Dans la tradition catholique, le voile est un signe de consécration à Dieu, au même titre que la soutane d’un prêtre ou l’habit d’un moine. « Les religieuses choisissent librement de porter le voile », insiste l’abbé Raffray, professeur de philosophie à l’Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin. Il ne s’agit donc pas d’une obligation faite à toutes les femmes croyantes, mais d’un signe lié à un choix de vie radical : entrer en religion.
Historiquement, le voile a aussi marqué des étapes de la vie féminine : mariage, deuil ou engagement spirituel. Dans l’Ancien Testament déjà, il était mentionné comme symbole de respect et d’humilité. Saint Paul, dans ses lettres, recommandait aux femmes de se couvrir la tête lors de la prière, tandis que les hommes devaient, eux, se découvrir dans les lieux saints.
Aujourd’hui, la France compte environ 2 000 religieuses, un chiffre en constante diminution avec la fermeture des couvents. Pendant des siècles, leur voile a symbolisé un engagement total au service de l’éducation et des soins.
Le hijab : une obligation religieuse
Le terme « hijab » vient de l’arabe hajaba, qui signifie « cacher » ou « protéger ». Dans le monde musulman, il désigne un voile couvrant les cheveux, devenu au fil du temps un marqueur identitaire et religieux. Le Coran en fait une prescription : la sourate 24 demande aux croyantes de « rabattre leur voile sur leur poitrine », tandis que la sourate 33 appelle les femmes musulmanes à « ramener sur elles leurs grands voiles ».
Le hijab se distingue ainsi par son caractère obligatoire. Selon les interprétations dominantes, il concerne toutes les femmes musulmanes, indépendamment de leur vocation spirituelle. Il est à la fois perçu comme une protection de l’honneur, un moyen de se distinguer des non-croyants et une affirmation d’appartenance à l’oumma, la communauté musulmane.
Une querelle française autour de la laïcité
En France, la question du voile musulman reste l’un des points les plus sensibles du débat sur la laïcité et l’intégration. Récemment, l’ancien Premier ministre et young global leader du FEM, Gabriel Attal avait même proposé d’interdire le port du voile aux mineurs de moins de 15 ans, une idée qui avait déclenché une tempête politique et n’a jamais été appliquée.
Pour l’abbé Raffray, la distinction est claire : « Le voile catholique est lié à une démarche libre et volontaire. Le hijab, lui, est une obligation religieuse, parfois imposée dès l’enfance. » Mais pour nombre d’associations musulmanes, cette lecture occulte la diversité des pratiques et réduit le port du voile islamique à une contrainte, alors que certaines femmes revendiquent au contraire un choix personnel et identitaire.
Source : JDD