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Thierry Breton. Photo : @Parlement européen.

Twitter Files France : les architectes de la censure numérique en France selon Civilization Works

Un chapitre du rapport How France Invented the Censorship Industrial Complex publié le 3 septembre par Civilization Works dresse le portrait de responsables politiques, hauts fonctionnaires et militants accusés d’avoir façonné l’arsenal français de lutte contre les contenus en ligne. Entre engagements progressistes, liens transatlantiques et polémiques judiciaires, retour sur ces figures clés du débat numérique.

La censure en ligne ne résulte pas d’une simple évolution technologique ou juridique. Elle porte aussi des visages, ceux de personnalités politiques et d’activistes investis dans la lutte contre les discours jugés haineux, complotistes ou dangereux. Le rapport de Civilization Works en propose une cartographie, qui éclaire les alliances, ambitions et controverses à l’origine de ce système.

Les figures politiques

Parmi les principaux soutiens à la régulation renforcée de l’espace numérique, Aurore Bergé occupe une place centrale. Ministre à plusieurs reprises entre 2023 et 2025, elle a défendu des coalitions d’ONG contre les discours de haine et s’est affirmée comme l’un des relais parlementaires les plus actifs en faveur d’un Internet encadré. Sa carrière est toutefois entachée par une enquête pour parjure liée à ses relations avec le secteur privé des crèches.

Ancien commissaire européen au Marché intérieur et président d’Atos, groupe technologique membre du Forum économique mondial, Thierry Breton a donné une impulsion décisive à la régulation continentale, selon l’ONG. Artisan du Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA), il s’est fait connaître par son bras de fer avec Elon Musk en 2024, menaçant la plateforme X de sanctions. Un épisode emblématique de la confrontation entre Bruxelles et la Silicon Valley.

Eurodéputé et fondateur de Place Publique, Raphaël Glucksmann se distingue par son ancrage dans les réseaux transatlantiques. Conseiller de Mikhaïl Saakachvili en Géorgie, impliqué dans les mouvements pro-européens en Ukraine, son ex-femme Eka Zgouladze était vice-ministre de l’Intérieur en Géorgie sous Saakachvili et a occupé le même poste en Ukraine après le coup d’État de Maïdan en 2014. Il est désormais le compagnon de la jouornaliste Léa Salamé, fille du contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Ghassan Salamé. Depuis le 23 septembre 2020, Raphaël Glucksmann est Président de la Commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation (INGE). Récemment il a appelé les utilisateurs à quitter X pour migrer vers Bluesky dans le cadre de l’initiative HelloQuitteX. Une posture qui illustre le conflit de valeurs entre partisans de la liberté d’expression et défenseurs d’un Internet régulé.

Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l’Éducation nationale passé par le programme Young Leader du Forum économique mondial et aujourd’hui présidente de France Terre d’Asile, incarne une autre dimension de ce réseau. Liée à la French-American Foundation et à des ONG internationales, elle milite depuis une décennie pour des mécanismes de « pré-bunking » automatisé afin de neutraliser la désinformation en amont.

Les militants et influenceurs médiatiques

Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch, s’est imposé comme l’une des voix dominantes du combat contre les théories du complot. Financé par la Fondation pour la mémoire de la Shoah, il co-anime Complorama sur France Info, où il vulgarise son approche : considérer les récits complotistes comme des formes de discours politiques déstabilisateurs.

Son compagnon de route Tristan Mendès-France, enseignant au CELSA et chroniqueur régulier, pilote des projets de lutte contre la « haine financée » en ligne. Par ses interventions médiatiques, il défend une pédagogie active auprès des jeunes générations et renforce l’ancrage académique des politiques de fact-checking.

Le journaliste Thomas Huchon, quant à lui, s’est fait connaître avec Conspi Hunter, documentaire qui piégeait des complotistes avec une fausse théorie sur le sida. De ses enquêtes sur Cambridge Analytica à ses ateliers scolaires, il a participé à diffuser une approche militante de la « lutte contre la désinformation », parfois critiquée pour ses méthodes provocatrices.

Enfin, David Chavalarias, mathématicien au CNRS et auteur de Toxic Data, incarne l’alliance entre recherche scientifique et militantisme. Ses travaux sur la polarisation politique et l’influence des plateformes l’ont conduit à développer l’application OpenPortability (ex-HelloQuitteX), destinée à faciliter la migration hors de X. Il s’affirme comme un intellectuel engagé, reliant changement climatique, vaccination et manipulation numérique dans une vaste analyse des mécanismes de désinformation.

Un réseau au cœur de la régulation

D’après Civilization Works, ce panorama met en lumière une convergence : politiques, experts et militants progressistes se retrouvent autour d’un objectif commun, celui de réguler un espace numérique perçu comme chaotique et dangereux. Pour ses partisans, il s’agit de protéger les minorités et la démocratie. Pour ses critiques, ce maillage de personnalités traduit une volonté de réduire la liberté d’expression sous couvert de sécurité.

Dans tous les cas, l’émergence de ce « cercle de la censure » révèle combien la régulation des contenus en ligne est devenue un enjeu politique majeur, à la croisée des intérêts nationaux, européens et transatlantiques.

Sources :
Civilization Works – How France Invented the Censorship Industrial Complex (rapport, 3 septembre 2025) – lien
France Info – « Complorama : le podcast qui démonte les théories du complot » (depuis 2021) – lien
Libération – « 2004, quand Xavier Niel a passé un mois en prison » (16 juillet 2023) – lien

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