En marge du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai à Tianjin, Recep Tayyip Erdogan a multiplié les entretiens diplomatiques pour défendre la création d’un corridor reliant l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan. Un projet clé pour Ankara, mais qui attise les tensions avec Moscou et Téhéran.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan profite de chaque scène internationale pour placer ses pions dans le Caucase. Présent à Tianjin, en Chine, à l’occasion du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) les 31 août et 1er septembre, il a mis en avant un projet qu’Ankara considère comme vital à la fois sur le plan géopolitique et économique : le corridor de Zanguezour.
Cette route, qui traverserait le sud de l’Arménie, permettrait de relier directement l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan, frontalière de la Turquie. Pour Ankara, l’intérêt est double : offrir à son allié azéri une continuité territoriale, mais aussi ouvrir une voie de communication terrestre vers l’Asie centrale et la Chine via la mer Caspienne. Un levier stratégique qui s’inscrirait dans la dynamique des Nouvelles Routes de la soie de Pékin.
Lors de son déplacement, Erdogan a rencontré ses homologues arménien, Nikol Pachinian, et azerbaïdjanais, Ilham Aliev, mais aussi le président iranien Masoud Pezeshkian. Symboliquement, les Premières dames arménienne, turque et azerbaïdjanaise ont visité ensemble la ville de Tianjin, signe d’un fragile rapprochement régional. En Turquie, même l’opposition kémaliste verrait d’un bon œil une éventuelle réouverture de la frontière avec l’Arménie, fermée depuis 1993.
Mais le projet reste explosif. En août, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, sous l’égide de Donald Trump, ont signé un accord confiant aux États-Unis des droits exclusifs sur une route, une voie ferrée et de possibles lignes énergétiques traversant le sud arménien. Officiellement baptisé « route Trump pour la paix et la prospérité internationales », cet accord a irrité Ankara, qui se voit reléguée au second plan malgré son rôle central dans le conflit de 2020.
Au-delà des rivalités régionales, deux puissances s’opposent frontalement au corridor de Zanguezour. L’Iran, qui verrait son territoire contourné au profit de son rival azéri allié à Israël. Et surtout la Russie, pour qui ce projet affaiblirait son rôle de passage incontournable entre la Chine et l’Europe, en renforçant l’attractivité du corridor médian passant par le Caucase.
Les tensions montent déjà : Bakou et Moscou, longtemps alliés, multiplient les différends, jusqu’à la fermeture récente des bureaux de l’agence Sputnik en Azerbaïdjan et l’arrestation de plusieurs de ses employés.
Dans ce contexte, Erdogan tente d’imposer la Turquie comme arbitre incontournable dans le Caucase, quitte à défier Moscou et Téhéran. Mais à vouloir transformer Zanguezour en carrefour logistique eurasiatique, Ankara pourrait aussi rallumer de nouveaux foyers de crise dans une région déjà hautement instable.
Sources :
Courrier international – Turquie. Erdogan se démène pour le projet de corridor à travers l’Arménie – lien
Al-Monitor – Erdogan pushes Zangezur corridor in talks with Armenia, Azerbaijan, Iran – lien
Sözcü – Analyse sur les implications régionales de l’ouverture de la frontière Turquie-Arménie – lien