Salariée depuis trois ans du géant américain Palantir, Julie Martinez a récemment rejoint l’équipe des porte-parole du Parti socialiste. Un double engagement qui interroge, tant l’entreprise de la Silicon Valley est associée à la surveillance de masse et aux réseaux de Donald Trump.
Peut-on défendre les valeurs socialistes tout en travaillant pour l’une des sociétés les plus controversées de la Big Tech américaine ? C’est la question que soulève le parcours de Julie Martinez. Depuis un mois, cette militante PS est devenue porte-parole du parti, tout en conservant ses fonctions de data protection officer (DPO) chez Palantir, entreprise fondée en 2003 par Peter Thiel, libertarien milliardaire et soutien affiché de Donald Trump.
Palantir, surnommé « l’ogre de la surveillance algorithmique », fournit ses technologies au département de l’immigration américain (ICE) ou encore au Pentagone. Ses dirigeants revendiquent une mission de puissance : « Nous construisons pour dominer », affirmait récemment Alexander Karp, PDG du groupe. Ses détracteurs dénoncent une exploitation sans limite des données personnelles, à rebours des principes de protection instaurés par le RGPD européen. « Travailler pour Palantir, dans l’ère Trump 2, c’est tourner le dos aux libertés fondamentales », tranche Olivier Tesquet, spécialiste du numérique d’as les colonnes de l’Humanité.
Julie Martinez, elle, assume son choix. « Mon rôle est de veiller à ce que nos valeurs européennes soient prises en compte », explique-t-elle. Chargée d’assurer la conformité avec le RGPD, elle affirme être « consultée avant n’importe quelle sortie de produit ». À ses yeux, Palantir n’est pas une menace mais un acteur qui peut accompagner « la lutte contre les extrémismes » ou soutenir l’Ukraine dans sa résistance à la Russie. Les critiques sur la coopération de l’entreprise avec l’ICE, l’Immigration and Customs Enforcement (Service de l’immigration et des douanes) aux États-Unis ? « Des fake news », balaie-t-elle.
Née à Sarcelles dans une famille modeste, passée par le prestigieux lycée Louis-le-Grand puis par un cabinet d’avocats londonien, Julie Martinez revendique un engagement militant « antifasciste et anti-extrême droite » qu’elle juge compatible avec sa carrière. « Il n’y a aucune contradiction », affirme-t-elle, agacée qu’on lui demande si elle devrait choisir entre Palantir et le PS.
Floran Vadillo, directeur général du Parti socialiste, soutient cette ligne : « Ses fonctions sont conformes à son engagement. Elle porte un discours de régulation. » Une défense qui ne suffira peut-être pas à dissiper le malaise. Car le PS s’est toujours voulu en pointe contre les dérives de la Silicon Valley, et son premier secrétaire Olivier Faure alertait encore récemment sur « la stratégie populiste assumée » de Donald Trump, appuyée par « l’extrême argent des milliardaires ».
Cette cohabitation politique et professionnelle met en lumière un paradoxe : alors que Palantir symbolise pour beaucoup la dérive libertarienne et sécuritaire de la technologie, l’une de ses cadres s’affiche désormais comme l’une des voix du Parti socialiste français.
Sources :
L’Humanité – « IA : la porte-parole du PS travaille chez Palantir, l’ogre de la surveillance algorithmique choyé par Donald Trump » – 5 septembre 2025 – lien
Reflets.info – « Palantir et l’ombre de la surveillance algorithmique » – 2021 – lien
Télérama – Olivier Tesquet, enquête sur Palantir – 2021 – lien
Wired – « Peter Thiel doute de la compatibilité entre liberté et démocratie » – juin 2025 – lien