La Suisse se dit prête à garantir une immunité temporaire à Vladimir Poutine en cas de participation à une conférence de paix, malgré le mandat d’arrêt international émis contre lui. Une position qui soulève des questions juridiques et diplomatiques, alors qu’Emmanuel Macron plaide pour une rencontre à Genève entre le président russe et son homologue ukrainien.
Alors que le président français Emmanuel Macron évoque la tenue possible d’une rencontre entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine à Genève, la Suisse, fidèle à sa tradition de neutralité, affirme pouvoir offrir une immunité à Vladimir Poutine s’il venait à participer à une conférence de paix sur son territoire. Un engagement révélé par Nicolas Bideau, porte-parole du ministère suisse des Affaires étrangères, confirmé par le chef de la Diplomatie, Ignazio Cassis.
Le ministre des affaires étrangères a précisé lors d’un point de presse avec son homologue italien Antonio Tajani à Berne que le gouvernement fédéral a défini l’année dernière « les règles pour donner l’immunité à une personne qui est sous mandat d’arrêt international. Si cette personne vient pour une conférence de paix, pas si elle vient pour des raisons privées ».
En mars 2023, la Cour pénale internationale a lancé un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour crimes de guerre présumés liés à la déportation d’enfants ukrainiens. Un mandat reconnu par les 125 États parties du Statut de Rome, dont la Suisse.
Ignazio Cassis s’est dit pleinement disposé à accueillir une rencontre de haut niveau, rappelant l’expérience reconnue de la Suisse dans ce domaine. Mais le ministre des affaires étrangères a également souligné que Moscou se montre désormais réticent à considérer Genève comme lieu de dialogue, en raison des sanctions européennes que la Confédération a choisi de reprendre depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022.
« J’ai d’ailleurs constamment rappelé cette disponibilité (à organiser des rencontres, NDLR) lors de mes contacts avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ces derniers mois. […] on m’a répondu que depuis que la Suisse a adopté les sanctions européennes, ils ont naturellement perdu un peu l’envie de le faire en Suisse », a reconnu le chef de la diplomatie helvétique.
Pour illustrer cette ambiguïté, Ignazio Cassis a cité un précédent récent : la tenue à Genève de l’Assemblée de l’Union parlementaire internationale, qui avait accueilli Valentina Matvienko, présidente du Sénat russe et proche de Vladimir Poutine. Sa participation, alors qu’elle figure sur la liste des responsables sanctionnés pour leur soutien à la guerre, avait été vivement critiquée par les représentants ukrainiens.
Face aux critiques, notamment de la part de certaines ONG qui dénoncent une complaisance envers le Kremlin, Berne insiste sur le caractère exceptionnel et ciblé de cette proposition d’immunité. Il ne s’agirait pas d’ignorer les poursuites en cours, mais de créer une parenthèse diplomatique sous étroite surveillance légale, pour faciliter une désescalade.
Reste à savoir si Moscou accepterait une telle invitation, et si Kiev s’y prêterait. En attendant, le débat soulève de nouveau les tensions entre justice pénale internationale et pragmatisme diplomatique, dans une Europe en quête de stabilité.
Sources :
Le Kyïv Independent, Al Mayadeen English, Département fédéral des affaires étrangères (Suisse), Cour pénale internationale, Reuters, Wikipedia