Quinze ans après la mort de Krisztina Rády, ex-épouse de Bertrand Cantat, la justice rouvre le dossier. En cause : des témoignages inédits révélés dans le documentaire Netflix « De rock star à tueur », qui évoquent des violences conjugales survenues après la sortie de prison du chanteur. Une réouverture aux implications potentiellement lourdes.
Le 10 janvier 2010, Krisztina Rády, écrivaine, traductrice et ancienne épouse de Bertrand Cantat, était retrouvée pendue à son domicile bordelais. L’affaire avait été classée comme un suicide. Pourtant, ce jeudi 24 juillet, quinze ans après les faits, le procureur de la République de Bordeaux a annoncé la réouverture d’une enquête, évoquant de « possibles faits de violences volontaires ». À l’origine de ce retournement judiciaire : le documentaire « De rock star à tueur : le cas Cantat », diffusé depuis mars 2025 sur Netflix.
Cette mini-série en trois volets de 40 minutes revient d’abord sur le féminicide de Marie Trintignant, tuée en 2003 à Vilnius sous les coups de Bertrand Cantat, pour lequel il fut condamné à huit ans de prison. Mais c’est dans ses dernières séquences que le documentaire prend une tournure décisive, en exhumant des éléments troublants sur les circonstances du décès de Krisztina Rády. Parmi ces révélations : le témoignage anonyme d’un infirmier, présenté comme une pièce majeure du dossier.
Cet ancien intérimaire affirme avoir consulté, à l’époque, un dossier médical au nom de Krisztina Rády, évoquant une admission dans un service spécialisé pour les victimes de violences. Les blessures mentionnées – décollement du cuir chevelu, hématomes, dents cassées – sont survenues peu après le retour de Cantat au domicile familial, à sa sortie de prison. Le document précise que la victime n’avait pas souhaité déposer plainte, invoquant la protection de ses enfants.
Pour Yael Mellul, ancienne avocate et présidente de l’association « Femme et libre », ce document constitue un « élément d’une importance capitale ». Elle rappelle avoir déjà fait rouvrir l’affaire en 2013 et 2018, en vain. « Douze témoins potentiels » avaient été proposés à la justice, dont la jeune fille au pair, Klaudia, alors âgée de 25 ans, qui témoigne aujourd’hui à visage découvert dans le film. Elle décrit une atmosphère devenue « toxique et inquiétante » après le retour de Cantat, nourrie par une jalousie croissante.
Ces éléments n’avaient jamais été versés aux précédentes procédures. Le procureur a donc considéré que ce témoignage médico-légal inédit justifiait une nouvelle instruction. Anne-Sophie Jahn, coscénariste du documentaire et autrice d’un livre paru en 2023 sur cette affaire, y voit une « preuve que Krisztina Rády aurait pu être frappée alors que Cantat était encore sous liberté conditionnelle ».
De son côté, Bertrand Cantat, aujourd’hui âgé de 61 ans, continue une carrière musicale discrète mais active. Il a sorti fin 2024 un nouvel album avec son groupe Détroit, financé par une campagne participative ayant réuni plus de 217 000 euros. Malgré l’absence de passage en radio et de critiques dans la presse, il conserve une base d’auditeurs fidèles en ligne.
Source : Le Parisien, publié le 24 juillet 2025. Documentaire Netflix « De rock star à tueur : le cas Cantat ».