Face à la nécessité de trouver 40 milliards d’euros d’économies, l’hypothèse d’une « année blanche » refait surface. Cette mesure, qui consisterait à bloquer en 2026 le niveau des dépenses publiques de 2025, suscite inquiétudes et débats tant ses conséquences pourraient être lourdes pour les ménages les plus modestes.
À l’approche de l’annonce des orientations budgétaires pour 2026, le gouvernement, toujours dépourvu de majorité parlementaire, explore plusieurs pistes drastiques afin d’atteindre l’objectif fixé de 40 milliards d’euros d’économies. Parmi elles, celle d’une « année blanche » retient l’attention. Ce concept, encore flou dans ses contours, consisterait à reconduire en 2026 les dépenses publiques au niveau de 2025, sans tenir compte de l’inflation ni de la revalorisation automatique de certaines prestations.
Interrogé par l’AFP, François Ecalle, expert en finances publiques, rappelle que si des gels sectoriels ont déjà été instaurés par le passé, une année blanche généralisée n’a jamais été appliquée en France. L’idée serait de bloquer non seulement les pensions de retraite, habituellement indexées sur l’inflation, mais aussi diverses prestations sociales comme les allocations logement ou l’allocation adultes handicapés. Plus largement, certaines revalorisations automatiques, notamment les avancements de carrière des fonctionnaires ou les tarifs des professionnels de santé, pourraient également être gelés.
Les conséquences budgétaires d’une telle mesure varient considérablement selon son périmètre. L’Institut des politiques publiques et l’Observatoire français des conjonctures économiques estiment qu’une année blanche rapporterait entre 5,7 et 6 milliards d’euros si elle se limitait aux transferts monétaires aux ménages, tandis que François Ecalle évoque une fourchette pouvant aller de 3 milliards d’euros si seuls les régimes de retraite de base étaient concernés, jusqu’à 15 milliards d’euros pour un gel généralisé, incluant notamment le barème de l’impôt sur le revenu et la CSG.
Mais les impacts sociaux d’un tel gel seraient loin d’être anodins. Pierre Madec, économiste à l’OFCE, souligne dans les colonnes de BFMTV que ce sont les ménages les plus pauvres qui seraient proportionnellement les plus touchés. L’absence de revalorisation des tranches d’imposition entraînerait également une hausse mécanique des impôts pour certains contribuables, et l’imposition de ménages jusque-là non imposables. Une perspective qui franchirait la ligne rouge fixée par plusieurs partis politiques, dont Les Républicains et le Rassemblement national.
Pour Pierre Madec, une année blanche assumée ressemblerait à la loi spéciale votée sous contrainte en 2024, après la chute du gouvernement Barnier, mais cette fois dans une logique claire de réduction des dépenses publiques. Reste que, dans un contexte où le taux de pauvreté atteint des niveaux records selon l’Insee, la décision d’un tel gel général pourrait avoir un coût politique majeur, dont l’exécutif devra mesurer la portée.
Sources : AFP, Institut des politiques publiques, OFCE, Insee, BFMTV.