Face aux attaques meurtrières menées par Israël dans la bande de Gaza, l’immobilisme des puissances occidentales suscite de plus en plus d’interrogations sur leur respect du droit international. Alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a reconnu le risque plausible de génocide, un silence persistant entoure les actes concrets que devraient prendre les États alliés de Tel-Aviv.
Depuis l’ordonnance rendue par la CIJ en janvier 2024, la pression juridique et diplomatique sur les soutiens d’Israël s’est intensifiée. Cette décision du principal organe judiciaire des Nations unies ne tranche pas sur la culpabilité d’Israël, mais elle affirme que le risque de génocide palestinien à Gaza est réel et exige la prévention de toute aggravation. Pour les États occidentaux, en particulier les membres de l’Union européenne et les États-Unis, cette reconnaissance du risque ne permet plus l’indifférence. Or, ces pays peinent à mettre en œuvre les obligations qui leur incombent en vertu de la Convention de 1948 sur le génocide.
Obligations internationales et responsabilité des États
La Convention sur le génocide, ratifiée par presque tous les États de la planète, impose non seulement de ne pas commettre de génocide, mais aussi de le prévenir et de le punir. Ce devoir inclut la surveillance des actes d’un État tiers s’ils présentent un risque plausible de basculer dans une politique d’extermination. Dès lors, ne pas agir face à un risque identifié pourrait être interprété comme une complicité ou, à tout le moins, comme un manquement aux obligations internationales.
Dans le cas de Gaza, l’opération militaire déclenchée par Israël après les attaques du Hamas du 7 octobre 2023 a provoqué une catastrophe humanitaire inédite dans l’enclave palestinienne. Des milliers de civils tués, des infrastructures détruites, un territoire assiégé et un accès humanitaire quasi impossible : les éléments rapportés sur place nourrissent les inquiétudes de la CIJ. Pourtant, les livraisons d’armes, les aides financières et le soutien diplomatique fournis par certains pays occidentaux n’ont pas été suspendus, en dépit du signal juridique envoyé depuis La Haye.
Une complicité judiciaire à venir ?
Cette inaction progressive place les alliés d’Israël dans une position délicate. À mesure que les preuves de violations du droit international humanitaire s’accumulent, la question de leur responsabilité pourrait être examinée devant des juridictions tierces ou nationales. Certains experts en droit estiment que les preuves d’un soutien militaire ou économique dans ce contexte pourraient suffire à ouvrir des enquêtes pour complicité. C’est notamment le débat qui agite plusieurs capitales européennes ou la société civile pousse les gouvernements à revoir leur politique étrangère.
« Il ne s’agit pas uniquement de diplomatie ou de morale. C’est une question de droit. Et le droit impose une réaction lorsque des signes de génocide apparaissent », rappelle un juriste européen spécialiste du droit international public dans les colonnes du Monde. En France, en Allemagne, aux Pays-Bas ou encore au Royaume-Uni, des voix s’élèvent pour exiger la suspension de la coopération avec Israël tant que les exigences de la CIJ ne seront pas appliquées.
Conséquences diplomatiques et isolement croissant
Ce dilemme suscite également des tensions au sein des institutions. À Bruxelles, l’Union européenne peine à adopter une position unifiée. Si certains États membres appellent à une suspension d’armes ou à des sanctions ciblées, d’autres, comme l’Allemagne, continuent de défendre leur soutien inconditionnel à Israël, invoquant leur histoire et leur devoir de solidarité. Cette division affaiblit l’image d’un Occident porteur du droit international et affermit le sentiment d’un double standard entretenu vis-à-vis des conflits au Proche-Orient.
Sur la scène internationale, cette posture prudente joue également sur les rapports de force géopolitiques. Les pays du Sud, en particulier dans le monde arabe et en Afrique, perçoivent cette inertie comme une complaisance envers les intérêts stratégiques occidentaux, au détriment des principes universels. Cela nourrit une défiance croissante à l’égard des institutions internationales, accusées d’être instrumentalisées ou appliquées à géométrie variable selon les acteurs concernés.
Si la guerre à Gaza continue de creuser un fossé humanitaire et politique, elle redessine aussi les responsabilités de ses acteurs directs et indirects. En refusant de rompre avec une ligne de soutien à Israël, les alliés occidentaux s’exposent à un risque plus profond : celui de voir leur propre engagement pour le droit international remis en cause, devant les tribunaux comme dans l’opinion mondiale.