Les Khazars, issus de divers peuples nomades de la steppe eurasienne à dominante turcophone, se sont installés aux abords de la mer Caspienne au VIe siècle. À leur apogée, ils contrôlaient un vaste territoire s’étendant de l’Ukraine au Kazakhstan, en passant par le sud de la Russie. Ils seraient à l’origine de la création de Kiev, et leur déclin a été marqué par leur intégration à la Russ’ de Kiev. Cet empire, situé au carrefour des routes commerciales, a également été le théâtre de guerres contre les Sassanides, une dynastie zoroastrienne, et les Arabo-musulmans. Selon certaines thèses, les Khazars se seraient convertis au judaïsme pour affirmer leur identité, ce qui aurait pu donner lieu à un syncrétisme avec le zoroastrisme.
Les tribus réunies au sein de l’empire des Khazars ne formaient pas une entité homogène, mais plutôt une confédération de peuples nomades issus de la steppe eurasienne, dominée par une composante turcophone. L’empire était composé de nombreux groupes turcs, dont des peuples de langues oghoures comme les Saragoures, les Oghours, les Onoghours et les Bulgares. Ces derniers faisaient déjà partie de la confédération de Tiele, qui rassembla entre 480 et 540 neuf peuples turcs en Asie centrale sur une zone couvrant des parties du Kazakhstan, de la Chine, de la Russie, de la Mongolie et de l’Altaï, des régions également influencés par le Zoroastrisme perse, une religion dualiste, qui s’est diffusée dans la steppe eurasienne.
Le clan dominant semble avoir été les Ashinas, une maison aristocratique qui dirigeait le Khaganat turc, ou Khanat Göktürk, lui aussi originaire de l’Altaï. Ce dernier s’imposa au VIe siècle comme la puissance principale du plateau mongol, échangeant avec la Chine et exerçant un contrôle lucratif sur la route de la soie. Les origines du khanat turc remontent à 546, lorsque Bumin Khagan entreprit une attaque préventive contre les groupes ouïghours et tiele, qui planifiaient une révolte contre leurs suzerains, le khanat de Rouran, un empire turco-mongol établi entre la fin du IVe et le milieu du VIe siècle au nord de la Chine.
Bien que Bumin Khagan s’attendît à être récompensé pour son geste, il fut réprimandé par Yujiulü Anagui, le dirigeant du Rouran. Il décida alors de s’allier aux Wei Occidentaux contre le Rouran et remporta une victoire marquant le début du déclin de son adversaire. Bumin Khagan, qui mourut un an plus tard, fonda ainsi la première dynastie du khanat turc. Pour vaincre et détruire les Huns blancs alliés des Rouran, son frère Istämi collabora avec l’empire Sassanide d’Iran, dont la religion officielle était le zoroastrisme. Le Khaganat turc forma ensuite une alliance avec l’empire Byzantin contre les Sassanides en 568.
La politique d’expansion occidentale d’Istämi introduisit les Göktürks en Europe. En 576, ils traversèrent le détroit de Kertch en Crimée et, cinq ans plus tard, assiégèrent Chersonèse, l’ancienne cité grecque où se trouve désormais Sébastopol.
Outre les peuples de langues oghoures, les Khazars étaient accompagnés de peuples iraniens, proto-mongols et paléo-sibériens, ainsi que d’un conglomérat multi-ethnique originaire de Sogdiane, une région couvrant alors une partie de l’Ouzbékistan, du Tadjikistan et de l’Afghanistan, englobant la ville historique de Samarcande. Toutefois, une guerre intestine éclata entre les Göktürks orientaux et le khaganat turc occidental.
La naissance de l’Empire khazar
Un État khazar embryonnaire se constitua vers 630, profitant de l’effondrement du khaganat des Göktürks. En Occident, les Khazars partageaient la steppe avec les Bulgares, qui finirent par se soumettre ou se réfugièrent dans les Balkans, bien que les Khazars adoptèrent leur langue.
En 626, le Khagan khazar envoya 40 000 soldats à l’empereur byzantin Héraclius pour l’aider dans sa lutte contre les Sassanides. L’empire Byzantin, toujours attentif à la situation géopolitique de la steppe ukrainienne, virent dans les Khazars un allié capable de les protéger des invasions sassanides, et plus tard arabo-musulmanes ou normandes.
Le khaganat des Khazars devint la force dominante de la steppe eurasiatique vers 670, dominant le commerce de la région et permettant aux marchands européens de transiter en sécurité à travers les vastes plaines de l’Europe orientale. La Khazarie était le passage obligé des marchandises entre le Chine et l’Europe occidentale, ainsi qu’entre les pays d’Islam et d’Europe du Nord. Les Khazars collaboraient d’ailleurs avec les Radhanites, des marchands juifs qui ont joué un rôle important dans les échanges commerciaux de produits de luxe entre les mondes chrétien et musulman en maintenant ouverte les routes commerciales ouvertes sous l’Empire romain. Les Khazars commerçaient du miel, des fourrures, de la laine, des céréales, du poisson et des esclaves, terme qui tire d’ailleurs son origine des populations slaves locales qui furent exploiter.
Les guerres arabo-khazar
L’expansion des Khazars au VIIe et VIIIe siècles se heurte aux conquêtes des Omeyyades et des Abbassides du Califat arabe, déclenchant une série de guerres arabo-khazares à partir de 638, au moment des premières incursions arabes. Les Khazars lancent des raids sur des principautés transcaucasiennes pendant la Grande discorde musulmane, notamment entre 683 et 685. Les affrontements reprennent après 700 avec des raids violents à travers le Caucase. En 724, le général musulman Al-Jarrah al-Hakami bat les Khazars, mais ceux-ci contre-attaquent en 726 sous le général Barjik, qui envahit l’Albanie et l’Azerbaïdjan. Barjik remporte la bataille d’Ardabil en 730, tuant Al-Jarrah, mais est tué en 731 à Mossoul, alors qu’il utilisait la tête d’Al-Jarrah comme étendard. En 737, Marwan ibn Mohammed envahit la Khazarie, forçant le khagan à fuir et à se convertir à l’islam. Cependant, l’instabilité omeyyade et le soutien byzantin permettront aux Khazars de reprendre leur indépendance.
À leur apogée, les Khazars et leurs vassaux contrôlent un vaste territoire correspondant aujourd’hui au sud de la Russie, à l’Ukraine, à la Crimée septentrionale, à l’ouest du Kazakhstan, et à plusieurs régions de Transcaucasie, telles que l’Azerbaïdjan, la Géorgie et l’Arménie actuels.
Les rapports avec la Rus’ de Kiev et le déclin de l’Empire Khazar
Les Khazars pourraient avoir influencé la fondation de la ville de Kiev et ont indirectement contribué à l’émergence de la Moscovie, ancienne Russie, qui a évolué à partir de la Rus’ de Kiev. Cependant, les Rus’ deviennent rapidement une menace, y compris pour les Byzantins qui s’allient parfois avec les Khazars. Ces derniers adoptent une attitude ambivalente et autorisent parfois les guerriers rus’ à traverser leur territoire en échange d’une part du butin qu’ils pourraient avoir obtenu.
Cependant, cette puissance attire l’attention et la méfiance des Byzantins, qui finissent par rompre leur alliance avec les Khazars pour s’allier avec les Rus’ et les Petchénègues, récemment déplacés par les Oghouzes.
Le déclin de l’Empire Khazar a été marqué par son intégration à la Russ’ de Kiev. Les Tatars de Crimée, un ancien peuple turco-mongol proviennent d’ailleurs du mélange des nombreux peuples ayant habité la Crimée avant eux, dont les Khazars.
Conversion au judaïsme
À l’origine les Khazar était de religion tengriste, la croyance des élites dirigeantes des populations d’Asie centrale, se concentrant autour de la divinité du ciel éternel, Tengri et intègrant des éléments du chamanisme, qui comme nous l’avons déjà vu était également grandement influencé par le Zoroastrisme perse. Le tengrisme est d’ailleurs toujours pratiqué dans la République de Touva. Ils furent toutefois sujet au prosélytisme Chrétien venu d’Arménie et d’Albanie et aux conversions musulmanes lors des invasions omeyyades. Selon certains se seraient d’ailleurs la conversion forcée du khagan Khazar en 737, qui aurait entrainé la conversion au judaïsme de ce peuple qui aurait ainsi souhaité affirmé son indépendance face au monde arabe-musulman et Byzance. Toutefois, les premiers contacts avec le judaïsme ont eu lieu avec des marchands juifs venus de Byzance, mais également par l’intermédiaire de la population et des conversions ont eu lieu des 735. Les élites Khazars se sont ensuite toutes converties sous le règne de Hârûn al-Rashîd qui a régné de 786 à 809, mais les sujets slaves purent pratiquer le christianisme ou l’Islam. Ainsi, en adoptant le judaïsme, les Khazar ont pu engendrer un syncrétisme avec le tengrisme et le Zoroastrisme, comme c’est le cas en Mongolie, où le tengrisme a absorbé des pratiques religieuses bouddhistes par syncrétisme dans ce que l’on appelle le chamanisme jaune.
Un syncrétisme qui aurait déjà pu avoir lieu plus tôt, puisque de nombreux historiens estiment que le zoroastrisme a eu une influence notable sur le judaïsme, lorsque, au VIe siècle av. J.-C., les Perses prirent Babylone où avait été déportée une forte population d’Hébreux, qui étaient entrées en contact avec la Perse et les religions iraniennes et kurdes. Les Perses, ayant accordé leur liberté aux Hébreux, sont décrits favorablement dans les textes bibliques, contrairement aux Babyloniens. Cyrus le Grand, empereur perse, mit fin à l’exil des Juifs en libérant Jérusalem du joug babylonien et permit la construction du Second Temple. De nombreux textes juifs abordant la vie après la mort datent de la période de domination perse en Israël, suggérant une influence zoroastrienne.
La conversion des Khazars au judaïsme a ensuite donner lieu à un débat enflammé sur l’origine khazare des Juifs ashkénazes, qui s’est encore envenimé avec la montée en puissance du sionisme dont les chantres voulaient mettre en avant des origines palestiniennes.