Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), une crise humanitaire d’une ampleur considérable perdure depuis 1998. Alors que compter les morts devient mission impossible, des millions de civils touchés par les conséquences directes de la guerre nécessitent une aide d’urgence. Mais qui pour entendre leurs cris ?
Ce dimanche 2 juin, de nouvelles hostilités ont éclaté aux alentours de Kanyabayonga dans l’est de la RDC. Ces combats succèdent à plusieurs décennies de violences impliquant une population civile à bout de souffle.
Les rebelles s’approchent dangereusement de Kanyabayonga, à une centaine de kilomètres de la capitale provinciale Goma. Jeudi 30 mai, cette localité du Nord-Kivu, abritant 60 000 habitants et servant de refuge à des dizaines de milliers de déplacés, s’est vidée de la quasi-totalité de sa population. D’après Radio Okapi, les réfugiés se dirigent vers les localités voisines de Miriki, Buleusa, Kirumba et Kayina. En tant que point de contrôle crucial dans le nord, la ville est désormais directement menacée par le M23, un groupe armé créé le 6 mai 2012 par des officiers des Forces armées de la république démocratique du Congo (FARDC), entré en rébellion contre le gouvernement congolais, qui tente également de progresser vers le Sud-Kivu.
Kanyabayonga serait la porte d’accès aux villes de Butembo et Beni, qui a connu récemment une épidémie du virus Ebola et qui sont de grands centres commerciaux du pays. Depuis près d’une semaine, les forces gouvernementales, appuyées notamment par la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), ont affronté les rebelles, mais aucun progrès significatif n’a été observé des deux côtés, selon plusieurs sources, dont TV5 Monde.
Focus sur le déplacement de population et les différentes villes cibles.
En plus des combats entraînant des déplacements massifs, de nombreux crimes sont commis sur la population. Viols, meurtres, mutilations, travail forcé, tortures sont leur réalité quotidienne.
Une guerre floue où le nombre de victimes est difficile à quantifier
Le conflit trouve ses racines dans les conséquences du génocide rwandais de 1994, qui ont provoqué un important afflux de réfugiés et de groupes armés, dont des congolais rwandophones, qui faisaient partie des anciennes milices génocidaires et des anciennes Forces armées rwandaises décidées à se servir du Kivu pour reconquérir le Rwanda.
Les présidents congolais Felix Tshisekedi accuse d’ailleurs le Rwanda présidé par le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Paul Kagamé, de soutenir le M23. En 2020, Tshisekedi était présent à Davos, où il a appelé les investisseurs africains à revenir en République Démocratique du Congo.
La région du Kivu, riche en ressources naturelles, notamment en métaux rares, qui sont essentielles pour la transition écologique. Elles sont convoitées par des acteurs nationaux et internationaux et notamment par des pays dirigés par des contributeurs du FEM. En juillet 2016, le Forum économique mondial à en effet sorti un livre blanc intitulé Cartographie de l’exploitation minière en fonction des objectifs de développement durable : Un Atlas, qui présentait « l’industrie extractive » comme un excellent moyen « de faire progresser » les Objectifs de développement durable 2030 des Nations Unies.
Malgré les initiatives déployées depuis les années 2000, notamment par la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO), établie en 1999, les violences persistent.
Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), entre 1998 et 2013, 200 000 femmes ont été violées dans la région. Aujourd’hui, ce nombre colossal ne doit probablement représenter qu’une fraction de la réalité. Dans de telles circonstances, établir un décompte précis des morts devient quasiment impossible. Certains médias font état de « 6 millions de morts, près de 7 millions de déplacés » et des camps de réfugiés saturés.
Les nouvelles de conflits dans l’est de la RDC sont tragiquement récurrentes, mais elles traversent très peu le fil de nos actualités. David Van Reybrouck, dans son ouvrage Congo publié chez Actes Sud, exprime son étonnement face à l’absence de couverture médiatique. Selon lui, « Elle a disparu de l’actualité mondiale car passait pour inexplicable et confuse… Dans cette guerre du Congo, il n’y a pas un camp de gentils. »
Cependant, les langues se délient. Sur les réseaux sociaux, l’omerta ne semble plus être totale. Par exemple, le 7 février dernier, lors de la demi-finale de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), les joueurs de la République démocratique du Congo ont symboliquement montré leur soutien.
Par Armelle Hervé