La Xe Flottiglia MAS, également connue sous le nom de Decima MAS (Xa MAS), a marqué l’histoire en tant qu’unité d’élite de nageurs de combat de la marine royale italienne opérant pendant la Seconde Guerre mondiale. À une époque où les drones navals n’existaient pas encore, elle avait recours à des torpilles humaines.
En octobre 1918, à la conclusion de la Première Guerre mondiale, deux officiers italiens, le capitaine du génie maritime Raffaele Rossetti et le médecin de 2e classe Raffaele Paolucci, ont pris l’initiative d’une opération visant à couler deux navires de la Marine austro-hongroise, le Viribus Unitis et le Prinz Eugen, amarrés dans le port de Pula, en Croatie.
Dans la nuit du 31 octobre 1918, enfourchant une torpille Mignatta (« sangsue ») fabriquée par leurs soins, ils ont été déposés en mer par une vedette italienne. Progressant à ras de l’eau, ils se sont approchés du Viribus Unitis, le navire amiral de la flotte austro-hongroise et ont fixé deux charges explosives de 180 kilogrammes chacune. Cette mission a jeté les bases de ce qui allait devenir la Xe Flottiglia MAS.
Les Maiali
En 1929, les officiers italiens Teseo Tesei et Elios Toschi inspirés par leurs prédécesseurs proposent à leur hiérarchie de mettre en œuvre des torpilles humaines pour pouvoir lancer des attaques contre la flotte britannique si une guerre arrivait.
Dans le contexte de la campagne d’Éthiopie, ils ont conçu un propulseur de plongée en forme de torpille, le Siluro a Lenta Corsa (SLC), plus connu sous le nom de « Maiale » (cochon), en raison de leur fonctionnement capricieux. Ces torpilles étaient propulsées par un moteur électrique, assurant une approche silencieuse des navires ennemis.
Les opérateurs dirigeaient l’engin à travers les rideau de filets anti-torpilles, qui protègent en général l’entrée des port ou des bases navales. Ensuite, ils devaient approchés lentement la coque de leur cible et tendaient un câble d’acier entre les quilles de roulis. L’ogive était alors fixée au câble et détachée du SLC. La charge explosive était ensuite déclenchée à l’aide d’un système d’horlogerie, permettant aux opérateurs de se retirer. Toute l’opération se déroulait dans une eau saumâtre avec une visibilité limitée à quelques mètres.

La Naissance de la DECIMA MAS
Cette innovation a été utilisée par la 1ª Flottiglia Mezzi d’Assalto, crée par la marine italienne en En mai 1939, rebaptisée plus tard Xa Flottiglia MAS en mars 1941. Le commandant du sous-marin Scirè, le prince Junio Valerio Borghese, a pris le commandement de cette unité spéciale en 1943, jouant un rôle crucial dans les opérations en Méditerranée.

De 1940 à 1943, la Xe Flottiglia MAS a mené des missions risquées en Méditerranée, de la Turquie à Gibraltar. Malgré des échecs et des ressources limitées, elle a causé d’importantes pertes aux marines alliées. L’utilisation des SLC par la Xe Flottiglia MAS a connu un succès notable lors de plusieurs opérations. La première, visant à détruire des navires de ravitaillement à Gibraltar, a été réalisée avec succès, coulant un navire-citerne et endommageant deux autres transports. Une opération célèbre s’est déroulée en décembre 1941, lorsque trois SLC ont été déployés à l’entrée du port d’Alexandrie, coulant les cuirassés HMS Valiant et HMS Queen Elizabeth. Les opérations contre le port d’Alger ont également été réussies. En résumé, les attaques des SLC ont abouti à la destruction de trois navires de guerre et de douze navires marchands, totalisant 60 000 tonneaux et 81 000 tonneaux respectivement. Les nageurs de combat italiens ont revendiqué 38% du tonnage militaire et 15% du tonnage marchand coulés par la Regia Marina, marquant ainsi leur impact stratégique.
Des technologies innovantes
Outre les torpilles humaines Maiale, l’unité utilisait des barchini, de petits canots rapides, conçus pour transporter une forte charge d’explosifs vers leur cible, avec la capacité de pivoter l’embase d’hélice à 180° pour surmonter les obstacles. Bien que dangereux, ces engins n’étaient pas des armes suicides, à la façon des Kaiten, des sous-marins de poche conçu dans l’étape finale de la guerre, par la Marine impériale japonaise. Les pilotes des barchini disposaient, en effet, d’un siège éjectable pour s’éloigner de l’explosion, permettant ainsi aux pilotes de survivre lors des opérations.
La Xe Flottiglia MAS disposait également des gamma, des nageurs de combat équipés de chaussures lestées. Leurs équipements innovants comprenaient des appareils à circuit fermé pour la plongée, des montres étanches et des charges explosives variées.
Une copie britannique
La marine anglaise, confrontée aux attaques des SLC à Alexandrie et Gibraltar, a capturé un de ces engins pour étude. Le commandant Lionel Crabb, spécialiste de la plongée autonome, soulignait dans ses mémoires l’avance technologique italienne, notamment le respirateur ARO sans bulles apparentes, développé avec le soutien de Pirelli. Les Britanniques ont créé leur version du « maiale » appelée Chariot et tentèrent de l’utiliser en octobre 1942 pour couler le Tirpitz, le plus grand cuirassé d’Europe et plus grand navire de guerre de la Kriegsmarine allemande. L’opération a échoué, mais une tentative plus ambitieuse avec des sous-marins de poche a été couronnée de succès en septembre 1943, avant que le cuirassier ne soit complètement détruit après été avoir renfloué par des bombes aériennes.
Après l’armistice
Après l’armistice certains plongeurs de l’unité ont rejoint les Alliés et participé aux opérations de déminage sur les côtes italiennes jusqu’à la fin de la guerre. Luigi Durand de la Penne, qui avait dirigé le raid contre la flotte britannique à Alexandrie, a par la suite collaboré avec ses anciens adversaires visant à couler deux croiseurs italiens saisis par les Allemands à la Spezia. Le croiseur lourd Bolzano a été coulé le 22 juin 1944 par un chariot anglais, et le croiseur lourd Gorizia a été mis hors de combat dans un bassin de radoub.
Après la création de la République sociale italienne, également connue sous le nom de République de Salò, était un État fasciste établi par Benito Mussolini en Italie du Centre et du Nord, mis en place dans les zones sous le contrôle de la Wehrmacht allemande, qui a duré du 23 septembre 1943 jusqu’au milieu du mois d’avril 1945, la Xe Flottiglia MAS a été reconstituée en mai 1944 en tant que division d’infanterie de marine d’élite, placée sous les ordres du capitaine de frégate Borghèse, un fervent fasciste. Cette réforme a transformé l’unité en une force principalement terrestre, agissant comme une armée quasi-autonome. Sous le commandement de Borghèse, la Xe Flottiglia MAS s’est impliquée dans des opérations brutales de répression contre les partisans et les résistants italiens, marquées par des actes de lynchage et d’exécutions sommaires visant à instaurer la terreur parmi la population du nord de l’Italie. L’unité est devenue incontrôlable au point où Renato Ricci, à la tête de la Garde Nationale Républicaine (GNR) de la République de Salo, a ordonné l’arrestation de Borghèse sous les ordres de Mussolini. Cependant, Borghèse a été libéré sous la pression des occupants allemands. Contrairement à certains dirigeants fascistes tels que Mussolini et Alessandro Pavolini, Borghèse a échappé à l’exécution par les partisans italiens en avril-mai 1945. Il a ensuite été recruté par l’agent de la CIA James Jesus Angleton dans le cadre de la lutte anticommuniste soutenue par les États-Unis pendant la Guerre froide naissante, devenant ultérieurement un personnage clé des mouvements néofascistes en Italie après la guerre.