Une enquête sociologique intitulé « La France, tu l’aimes mais tu la quittes », publiée le mois dernier met en lumière un phénomène croissant : des Français de culture musulmane, hautement qualifiés et souvent issus de l’immigration, choisissent de quitter la France pour commencer une nouvelle vie dans des métropoles comme Londres, New York, Montréal ou Dubaï. Cette décision est principalement motivée par un climat de racisme systémique et d’islamophobie perçue en France.

Ce phénomène avait déjà été abordé dans le livre d’Hamid Senni, « De la cité à la City », publié en 2007, toutefois le problème persiste. Dans cette étude, le cas d’un consultant de confession musulmane, qui a décidé de s’installer à Dubaï après avoir essuyé 50 refus d’embauche en dépit de ses qualifications, interpelle. « Je me sens beaucoup mieux ici qu’en France. Ici, nous sommes tous égaux », déclare-t-il, évoquant une acceptation de sa religion plus marquée dans son nouveau pays d’accueil.

Les statistiques et réalités des discriminations

L’étude révèle que sur plus de 1 000 personnes interrogées via des réseaux militants, 71 % citent le racisme ou les discriminations comme raisons principales de leur départ. Ces résultats sont corroborés par des enquêtes qui montrent que les personnes d’origine immigrée subissent des discriminations dans l’emploi, le logement et lors des contrôles policiers. Un rapport de l’Observatoire des inégalités en 2023 indique qu’un candidat avec un nom français a 50 % plus de chances d’être rappelé par un employeur qu’un candidat au nom maghrébin.

La France, malgré son histoire d’immigration et de colonisation, reste un pays où les enfants d’immigrés se sentent souvent étrangers dans leur propre pays. Les statistiques ethniques et religieuses étant interdites en France, il est difficile de quantifier précisément ces discriminations, mais de nombreux témoignages et études en documentent l’ampleur.

La laïcité française en question

Le rapport de la France à la laïcité, et les polémiques entourant le voile musulman, accentuent le malaise. Olivier Esteves, auteur de l’étude, explique que « dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est très difficile de trouver un emploi. » Cette réalité pousse certaines femmes portant le hijab à quitter la France pour des pays où elles peuvent mener une vie professionnelle sans discrimination.

Une morosité ambiante

Pour certains, comme un employé de la tech d’origine marocaine, la situation en France est devenue insupportable. « On étouffe en France« , affirme-t-il, préparant son départ vers l’Asie du Sud-Est avec sa femme enceinte. Il veut fuir la « morosité ambiante » et les « humiliations » quotidiennes liées à son patronyme et ses origines.

Une société en mutation

Paradoxalement, le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités souligne que la société française est plus ouverte qu’il y a vingt ans. Aujourd’hui, 60 % des Français déclarent n’être « pas du tout racistes », un chiffre en nette progression. Cependant, cette ouverture perçue ne suffit pas à apaiser ceux qui vivent quotidiennement des discriminations. Le discours médiatique n’améliore pas non plus les choses.