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Photo : @Najib Bayoumi

Crise et conflits à l’usine MetEx d’Amiens : Une histoire qui ne date pas d’hier

L’usine Metabolic Explorer (MetEx) d’Amiens, spécialisée dans la production de lysine à partir de sucre, traverse une période critique. Le 20 mars dernier, le tribune de commerce de Paris a accepté de mettre l’entreprise en redressement judiciaire. Pour expliquer ses difficultés, elle évoque la concurrence mondiale déloyale, venant notamment de Chine, mais il semblerait qu’elle travaille sur une technologie visant à produire du glucose, plus coûteuse et plus dangereuse que celle utilisée par ses concurrents. De plus, les problèmes de cette usine ne datent pas d’hier et remontent à ORSAN, l’ancienne filiale du groupe Lafarge, dirigée par l’ancien membre du groupe de pilotage du groupe Bilderberg, Bertrand Collomb, qui gérait autrefois l’usine et l’a vendue en 1994.

Après avoir intégré Lafarge en 1975, Bertrand Collomb a pris la présidence en 1983 d’ORSAN, la filiale biotechnologique du groupe, qui possédait une usine à Amiens spécialisée dans la production d’acides aminés utilisés dans l’agroalimentaire. Elle fabriquait notamment du glutamate, utilisé par les fabricants de produits alimentaires comme exhausteur de goût, et de la lysine, un acide aminé codé sur les ARN messagers par les codons AAA et AAG, utilisé comme complément alimentaire par l’industrie agroalimentaire ou pour la nourriture destinée aux animaux.

Collomb est ensuite devenu directeur général de Lafarge Corporation, la branche nord-américaine du groupe, entre 1985 et 1988, avant d’être promu en août 1989, président-directeur général de Lafarge. En 1994, il a vendu ORSAN, officiellement car l’entreprise enregistrait de lourdes pertes. Toutefois, une décision de la cour de cassation rendue le 4 juillet 1995, lors d’une affaire qui opposait la Direction générale des Impôts à l’entreprise ORSAN, rebaptisée Les Produits Organiques du Santerre (ORSAN), démontre que la société Lafarge-Coppée avait transféré 67 % des actions d’ORSAN et certains droits immobiliers à sa filiale Comptoirs Parvilliers, qui a ensuite été renommée société SIAS-BIO.

Le rachat de l’usine par l’entreprise japonaise Ajinomoto

L’entreprise japonaise Ajinomoto, spécialisée dans les produits de grande consommation, l’industrie agroalimentaire et les produits pharmaceutiques, qui a compté dans son conseil d’administration la contributrice de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Sakie T. Fukushima, passée également par Bridgestone, a ensuite racheté une partie des parts d’ORSAN. Elle fut l’une des premières entreprises au monde à déposer un brevet en 1909, concernant la production de glutamate, qui est particulièrement utilisé dans la cuisine asiatique. Le 17 février 1998, l’Office européen des brevets s’est d’ailleurs opposé à un brevet déposé par ORSAN concernant le procédé de production « fed-batch » d’amino-acide par fermentation, qui induirait un recyclage des cellules souches accumulées lors de la filtration, s’inspirant de ses technologies, évoquant un manque d’inventivité de la part de l’entreprise française, mais a été finalement débouté. Le groupe japonais produisait en France ses acides aminés à destination de l’alimentation animale et de l’aspartame, dans ses usines picardes d’Amiens et de Nesle. Dans un article publié par Les Échos en 2003, le directeur général d’Ajinomoto Eurolysine expliquait que « Ces acides aminés permettent de limiter les rejets azotés des élevages, de limiter les importations de tourteaux de soja et d’améliorer la conversion de l’aliment en kilos de viande ». Il ne précisait toutefois pas que leur production nécessitait l’utilisation d’importantes quantités d’ammoniac, comme le stipulait un arrêté de la Préfecture de la Somme publié le 16 janvier 2012.

De plus, Le Monde a révélé en février 2018, que la filiale française d’Ajinomoto avait produit en France une biomasse contenant des OGM interdits dans l’Union européenne, destinée à l’alimentation animale. En 2008, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait refusé de l’autoriser sur le marché européen en raison d’un « risque sérieux » pour les utilisateurs. La direction de la répression des fraudes a confirmé cette information. Malgré le refus de l’EFSA, Ajinomoto a continué à distribuer ces biomasses non autorisées en Europe, prétendant initialement les exporter hors de l’UE. Suite à ces révélations, Ajinomoto a attribué la présence de ces produits sur le marché européen à une « erreur administrative ».

Le site de production d’aspartame a été cédé par Ajinomoto en 2015 à l’entreprise néerlandaise HYET Sweet, distributeur hollandais d’une large gamme d’édulcorants, et de la société Sweeteners, qui a employé le contributeur du FEM, Peter van Deursen.

Le rapport annuel 2020 d’Ajinomoto indiquait une baisse importante de son chiffre d’affaires, liée à « une baisse spectaculaire des ventes de produits de nutrition animale malgré l’augmentation des ventes de produits pharmaceutiques sur mesure et d’acides aminés pour les produits pharmaceutiques et alimentaires ». Cette forte baisse des ventes était liée selon la direction du groupe, « à la baisse de la demande due à la propagation mondiale de la peste porcine africaine et à la baisse des prix de vente ».

Le rachat par Metex

L’usine appartenant à Ajinomoto Animal Nutrition Europe (AANE) a donc été reprise pour 15 millions d’euros par Metex, PME basée sur le Biopôle Clermont-Limagne, qui développe et brevette des procédés de fermentation industriels bas carbone.

Metex, qui n’avait jamais géré d’usine jusqu’à ce rachat, a doté l’usine des derniers systèmes d’automatisations et s’est lancée dans la fabrication de produits à base de sucres pour l’agroalimentaire, l’agriculture mais aussi la cosmétique. C’est la seule usine européenne de bio-production spécialisée dans la lysine. Metex développerait également un projet de fermentation de glucose pour produire de l’acide glycolique, un produit dangereux qui est remplacé par l’acide salicylique dans l’industrie, pour un prix trois fois supérieur à son alternative. Cela rend en effet le glucose produit en Chine, ou en Inde plus compétitif, malgré les frais liés aux transports.

En 2021, Metex annonçait toutefois de belles perspectives avec un chiffre d’affaires prévisionnel de 200 millions d’euros, alors que le chiffre d’affaires annuel sous la direction d’Ajinomoto tournait autour de 193 millions et que lorsque l’usine a été vendue par ORSAN, il se situait aux alentours de 400 millions, avec des pertes de 650 millions.

Lors de la reprise de l’usine, Metex a obtenu une aide de l’État de 9,6 millions d’euros, pour une micro usine d’acide glycolique installée sur le site de l’usine d’Amiens. De plus, son fondateur Benjamin Gonzalez est soutenu par BpiFrance, la banque publique d’investissement française, dirigée par Nicolas Dufourcq qui a été nommé et prolongé par les contributeurs de l’Agenda 2030 du Forum économique mondial, François Hollande, Pierre Moscovici et Emmanuel Macron.

La capitale picarde avait déjà été marquée en 2014, par la fermeture des usines de pneumatiques Goodyear, dont les principaux actionnaires sont BlackRock et The Vanguard Group, les fonds de pensions américains liés au FEM et d’électroménager de Whirlpool, en 2019, détenu également par Vanguard.

La crise et les conflits sociaux

Toutefois ce n’était que reculer pour mieux sauter, Metex cherchant actuellement à se séparer de son usine d’Amiens. La direction évoque les impacts de la guerre en Ukraine et la hausse des prix de l’énergie qui ont exacerbé les défis pour l’usine, fonctionnant déjà en activité réduite depuis début 2024.

Rudolphe Hidalgo, directeur adjoint de MetEx, depuis novembre 2023, qui semble avoir été recruté pour son expertise en matière de « management de crise », indique que les démarches judiciaires, y compris le redressement judiciaire décidé le 15 mars dernier, sont un moyen de gagner du temps pour finaliser les négociations avec l’État et les investisseurs potentiels.

La situation précaire de l’usine a provoqué une grande détresse parmi les 280 employés. Beaucoup craignent pour leurs emplois, certains souffrent de burn-out, tandis que d’autres envisagent de démissionner.

Le député Insoumis de Picardie, François Ruffin, qui suit le dossier depuis de longs mois, a mis la pression sur le ministère de l’Économie pour qu’une intervention de l’État vienne sécuriser l’industrie française. Lors d’une réunion qui s’est tenue le 15 mars mars, au moment de la décision de mise en redressement, avec la direction et les employés de l’usine, Ruffin a exprimé ses inquiétudes à l’approche des élections européennes, questionnant la volonté politique de protéger les industries locales dans un contexte de mondialisation.

Le 8 avril dernier, le ministre délégué chargé de l’Industrie, Roland Lescure, qui est passé par le programme de Young Leaders des Instituts Aspen, dirigés par le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Daniel R. Porterfield, a effectué une visite sur le site de l’usine pour rassurer les effectifs. Les militants de la CFDT ont organisé une manifestation quatre jours plus tard.

Il semblerait que des investisseurs se soient déjà positionnés et ils attendraient, un plafonnement du prix du sucre par l’État.

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