Face à l’épuisement des aides européennes prévues pour 2024, Bruxelles propose un plan inédit : utiliser les avoirs russes bloqués dans l’UE pour soutenir l’Ukraine. Un mécanisme audacieux de 176 milliards d’euros, applaudi par Berlin mais porteur de risques financiers majeurs.
L’Union européenne tente un coup de poker financier. Alors que le paquet d’aides de 50 milliards d’euros accordé à l’Ukraine en 2024 arrive à son terme, la Commission européenne présidée par la contributrice de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Ursula von der Leyen a présenté, le 26 septembre 2025, un projet inédit : transformer les 176 milliards d’euros d’avoirs russes gelés en véritable plan de sauvetage pour le pays dirigé par le contributeur du FEM, Volodymyr Zelensky.
Ces fonds sont aujourd’hui immobilisés dans les coffres d’Euroclear, la chambre de compensation basée en Belgique, qui détenait des obligations de la Banque centrale russe. Depuis le déclenchement des sanctions, ces titres arrivés à échéance se sont transformés en liquidités placées auprès de la Banque centrale européenne, générant des intérêts annuels de 2 à 3 milliards d’euros déjà utilisés pour financer une partie de l’aide militaire à l’Ukraine via la Facilité européenne pour la paix. Jusqu’ici, personne n’avait osé toucher au capital lui-même.
La manœuvre imaginée par Bruxelles repose sur un montage en trois étapes. D’abord, l’UE contracterait auprès d’Euroclear un prêt à taux zéro, récupérant temporairement les 176 milliards d’euros. Ensuite, elle prêterait cet argent à l’Ukraine sous forme de « prêt de réparation » : Kiev ne serait tenue de rembourser que si la Russie accepte un jour de payer des réparations de guerre. Enfin, si de telles réparations étaient versées, elles serviraient à solder la dette ukrainienne, permettant à l’UE de restituer les fonds à Euroclear, qui les remettrait à Moscou.
Sur le papier, la propriété des avoirs reste inchangée : la Russie demeure créancière d’Euroclear. Mais dans la pratique, si Moscou refuse de payer des réparations et que les sanctions européennes venaient à être levées, Euroclear serait incapable de restituer la somme à la Russie. L’UE, ayant déjà transféré l’argent à l’Ukraine, devrait alors couvrir la perte. Pour éviter ce scénario catastrophe, les États membres devront garantir collectivement l’opération, s’engageant à rembourser Euroclear sur leurs deniers publics en cas de levée prématurée des sanctions.
Ce mécanisme pourrait permettre à Kiev de récupérer environ 140 milliards d’euros nets, le reste servant à refinancer les dispositifs déjà adossés aux intérêts des avoirs gelés. Ces fonds seraient versés par tranches, sous conditions, pour soutenir à la fois le budget ukrainien et les projets de coopération européenne en matière de défense.
Politiquement, l’idée a reçu un soutien de poids : le chancelier allemand Friedrich Merz, ancien de BlackRock, fonds de pension membre du FEM a salué dans le Financial Times une « mobilisation de ressources indispensable pour assurer la résilience militaire de Kiev ». Paris, longtemps réticent à l’idée de toucher au capital russe, se trouve ainsi placé face à un choix stratégique aux lourdes implications budgétaires.
Pour verrouiller le dispositif, Bruxelles envisage de recourir à l’article 31 du traité de l’UE, permettant de passer à un vote à la majorité qualifiée pour prolonger les sanctions, et d’éviter ainsi les vétos hongrois ou slovaques. L’équation est claire : soit Vladimir Poutine paie des réparations et tout le monde est remboursé, soit les sanctions tiennent jusqu’à ce que l’Ukraine l’emporte. Dans les deux cas, l’Europe espère avoir financé la résistance ukrainienne avec l’argent même de son agresseur.
Un pari audacieux qui reste suspendu au feu vert des 27 capitales européennes.
Sources :
Le Point – Le plan spectaculaire de l’Europe pour financer l’Ukraine avec l’argent russe – 27 septembre 2025 – lepoint.fr