Le rachat précipité de Credit Suisse par UBS en mars 2023 refait surface avec une nouvelle intensité judiciaire. Un jugement zurichois ouvre la voie à une réévaluation du prix d’achat, fixé à l’époque à trois milliards de francs. En jeu : jusqu’à 50 milliards de francs de litige, des exigences réglementaires accrues, et la menace d’un exil fiscal aux États-Unis.
C’est une onde de choc juridique et financière que vient d’enregistrer UBS. Plus de deux ans après le rachat à la hâte de Credit Suisse, la banque helvétique pourrait devoir faire face à un surcoût colossal. Un jugement du Tribunal de commerce de Zurich vient d’accorder à plus de 5 000 anciens actionnaires de Credit Suisse un examen indépendant du prix d’achat négocié dans l’urgence au printemps 2023. Le montant litigieux s’élève désormais à 50 milliards de francs suisses, soit plus de seize fois la somme initialement déboursée par UBS.
Ce recours collectif, dévoilé par la SonntagsZeitung, remet en cause le processus d’évaluation mené lors de la fusion orchestrée en mars 2023, au plus fort de la tempête financière. Les plaignants dénoncent une sous-estimation flagrante de la valeur réelle de Credit Suisse au 19 mars 2023, jour où l’établissement bancaire s’effondrait sous la pression des marchés. Si la valeur de 50 milliards avancée par le tribunal reste sujette à vérification, la nomination d’experts indépendants – Roger Neiniger et Peter Leibfried – pour réévaluer l’établissement ajoute une pression inédite sur UBS.
Cette procédure, juridiquement fondée, contraint désormais la banque à dévoiler ses documents internes liés à l’évaluation du rachat. Un geste périlleux sur le plan stratégique, alors même que les coûts d’intégration de Credit Suisse s’annoncent déjà vertigineux. UBS, dirigée par Sergio Ermotti, se retrouve ainsi prise en tenaille : d’un côté, des exigences réglementaires renforcées, notamment en matière de fonds propres imposées par le gouvernement suisse, estimées à 20 milliards de francs ; de l’autre, une pression judiciaire qui pourrait faire exploser la facture globale.
La question du siège d’UBS revient également sur la table. Selon le même rapport, la direction envisagerait sérieusement un transfert de son siège à l’étranger, possiblement à New York. Ce déménagement, qui pourrait être annoncé dans les neuf prochains mois, serait non seulement coûteux mais soulèverait aussi des interrogations majeures quant à l’avenir du modèle bancaire helvétique. Que deviendront les milliards de crédits octroyés aux PME suisses ? Devraient-ils être repris par d’autres établissements ? La stabilité du paysage bancaire helvétique pourrait en être profondément bouleversée.
Dans ce contexte, UBS risque aussi d’éroder une partie de sa clientèle la plus sensible, notamment en gestion de fortune. Une implantation plus directe aux États-Unis, dans un climat politique marqué par le retour de Donald Trump à la présidence, pourrait susciter la méfiance de certains clients européens et suisses.
Alors que les résultats du deuxième trimestre sont attendus et que la direction d’UBS doit s’exprimer devant la presse, toutes les attentions se tournent vers Sergio Ermotti. Ce dernier devra désormais faire plus que dénoncer les « contraintes excessives » imposées par Berne. Il lui faudra répondre avec clarté à des questions essentielles : UBS peut-elle encore se considérer comme une banque suisse ? Et à quel prix ?
Sources :
Article original publié le 27 juillet 2025, auteur Christian Kolbe. Source : SonntagsZeitung, repris par divers médias suisses.