De nouvelles vidéos tournées lors de la manifestation interdite de Sainte-Soline, en mars 2023, montrent des gendarmes de Sathonay-Camp tenant des propos d’une extrême violence. Ces enregistrements, dévoilés par Mediapart et Libération, ont conduit à l’ouverture d’une enquête administrative, tandis que la justice poursuit ses investigations.
Les images sont brutes, les mots glaçants. « Faut leur tirer dans la gueule », « Je vais le vider », « On devrait les massacrer ». Ces phrases, extraites d’enregistrements réalisés par les caméras embarquées de gendarmes le 25 mars 2023 à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), émanent selon Mediapart et Libération de membres de l’escadron mobile de Sathonay-Camp (Rhône).
Ce jour-là, environ 30 000 manifestants s’étaient réunis pour protester contre le chantier d’une mégabassine, symbole pour les opposants de l’accaparement de l’eau par l’agro-industrie. La manifestation, interdite par la préfecture, avait dégénéré en affrontements d’une intensité rare : 200 blessés, dont quatre graves parmi les militants écologistes, et 45 blessés du côté des forces de l’ordre.
Les enregistrements obtenus par les deux médias totalisent plus de 84 heures d’images captées par les gendarmes eux-mêmes. Ils mettent en lumière des propos choquants mais aussi des ordres controversés. Sur l’une des vidéos, un gradé ordonne des « tirs tendus » de grenades GM2L, pourtant strictement encadrés, criant : « GM2L allez en tendu ! ». Selon les chiffres de la gendarmerie, 5 015 grenades lacrymogènes ont été utilisées ce jour-là, dont 1 375 de type GM2L contenant une charge explosive, ainsi que des grenades de désencerclement, assourdissantes et des tirs de LBD.
Ces images avaient été saisies par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Rennes pour violences par personne dépositaire de l’autorité publique et non-assistance à personne en danger. Les blessures graves infligées à quatre militants écologistes restent au cœur des investigations judiciaires.
La direction générale de la gendarmerie a confirmé que ces vidéos étaient désormais entre les mains de la justice : « Les enregistrements ont été mis à la disposition exclusive de la justice, dans le cadre d’enquêtes judiciaires toujours en cours, dont il ne revient pas à la gendarmerie de les commenter. »
En déplacement à Lyon le 6 novembre, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur au moment des faits, a rappelé le « déferlement de violences inédites » auquel les forces de l’ordre avaient été confrontées à Sainte-Soline. Son successeur, Laurent Nuñez, tout en refusant d’employer le terme de « violences policières », a demandé l’ouverture d’une enquête administrative pour faire la lumière sur les comportements de certains gendarmes de l’escadron de Sathonay-Camp.
Sources :
Le Progrès – « “Faut leur tirer dans la gueule” : des gendarmes de Sathonay-Camp mis en cause pour leurs propos enregistrés à Sainte-Soline » – leprogres.fr
Mediapart – « Des vidéos inédites révèlent les propos et les tirs des gendarmes à Sainte-Soline » – 7 novembre 2025 – mediapart.fr
Libération – « Sainte-Soline : des images internes de la gendarmerie accablantes » – 7 novembre 2025 – liberation.fr