Sous pression d’un ralentissement économique durable et de réformes sociales inédites, les ouvriers chinois multiplient les grèves dans plusieurs secteurs. Une vague de contestation silencieuse, mais révélatrice d’un malaise structurel profond dans l’atelier du monde.
En Chine, les conflits sociaux s’enchaînent dans l’ombre du silence médiatique officiel. Entre le 6 et le 11 août 2025, sept grèves ont été recensées par le site sinophone Zuotian, dans des domaines aussi divers que la pharmacie, le textile, l’emballage, la fabrication de pièces automobiles et les semi-conducteurs. Autant de secteurs clés, marqués par des restructurations brutales, des retards de paiements ou des suppressions d’emplois non indemnisées, sur fond d’un climat économique de plus en plus incertain.
La fermeture soudaine de l’usine ASMPT à Shenzhen, filiale du géant singapourien des semi-conducteurs, a cristallisé les tensions. Le 11 août, près d’un millier de salariés se sont mobilisés pour dénoncer une indemnité de licenciement jugée insuffisante au regard des profits encore dégagés par l’entreprise.
Quelques jours auparavant, à Pékin, d’anciens employés de LeRentang, filiale d’un groupe pharmaceutique public, manifestaient eux aussi contre des licenciements jugés abusifs. La direction aurait tenté de contourner ses obligations en classant les salariés comme prestataires externes.
Dans la province industrielle du Guangdong, cœur manufacturier de la Chine, la colère gronde également. À Qingyuan, une centaine d’ouvriers de la société textile Yiji ont débrayé pour protester contre une baisse salariale de 40 %. À Guangzhou, la faillite d’une société d’emballage a aussi déclenché une mobilisation. Ces mouvements traduisent une même détresse : celle d’ouvriers pris en étau entre des marges en chute libre et des exportations qui peinent à redécoller.
Le journal de Singapour Lianhe Zaobao souligne d’ailleurs la persistance d’une déflation industrielle : l’indice des prix à la production a reculé de 3,6 % en juin et juillet, enregistrant une 34e baisse mensuelle consécutive. Un signe préoccupant pour une économie déjà fragilisée par le ralentissement mondial et la surproduction dans plusieurs filières.
Mais un autre facteur amplifie aujourd’hui cette instabilité : la réforme du système de sécurité sociale. Depuis le 1er août, tout accord permettant d’échapper aux cotisations sociales est juridiquement caduc, en vertu d’une décision de la Cour suprême. Une mesure qui, si elle vise à mieux protéger les travailleurs, met en péril la survie de milliers de petites entreprises, longtemps habituées à ces arrangements tacites.
Alors que Pékin tente d’imposer plus de rigueur sociale et financière, les tensions sociales se multiplient et s’enracinent. Si elles restent invisibles dans les médias d’État, ces grèves en cascade révèlent une fracture économique de plus en plus profonde dans un pays pourtant perçu comme la machine industrielle du monde.
Source : Courrier international.