En une semaine, le Népal a basculé dans une crise sans précédent : manifestations sanglantes, Parlement incendié, démission du Premier ministre K.P. Sharma Oli et nomination d’un gouvernement intérimaire. Retour sur semaine qui a bouleversé l’Himalaya.
Le Népal a vécu une semaine d’une intensité rare, marquée par un enchaînement de violences et de bouleversements politiques. Tout a commencé début septembre avec une décision du gouvernement : bloquer l’accès à plusieurs réseaux sociaux, dont Facebook, YouTube et WhatsApp, au motif que les plateformes n’étaient pas enregistrées auprès des autorités. Une mesure qui a mis le feu aux poudres.
Rapidement, la jeunesse népalaise s’est mobilisée. Baptisé par ses initiateurs le mouvement de la « génération Z », le soulèvement a pris une ampleur fulgurante. À Katmandou et dans plusieurs grandes villes, des milliers de manifestants ont affronté les forces de l’ordre. Les affrontements ont dégénéré : des bâtiments publics, dont le Parlement, ont été incendiés, des résidences de responsables politiques attaquées et des ministres pris à partie.
Dans les rues de Katmandou, le ministre des Finances a été lynché avant d’être précipité dans une rivière. La violence a franchi un seuil dramatique lorsque Rajyalaxmi Chitrakar, épouse de l’ancien Premier ministre Jhala Nath Khanal, a été brulée dans l’incendie de sa maison.
Côté gouvernementale aussi la répression a été brutale : matraques, canons à eau, balles en caoutchouc et, selon des témoins, tirs à balles réelles.
Le bilan est lourd. Selon les dernières estimations, au moins 51 personnes ont perdu la vie et plus de 1 300 ont été blessées. Des policiers figurent parmi les victimes, mais la majorité des morts sont des jeunes manifestants. Les hôpitaux de Katmandou et de l’est du pays sont saturés, tandis que les familles réclament vérité et justice sur l’usage de la force.
Face à l’embrasement, les institutions ont vacillé. Le ministre de l’Intérieur a d’abord présenté sa démission, puis le Premier ministre K.P. Sharma Oli a quitté ses fonctions le 9 septembre, plongeant le pays dans une incertitude totale. Les manifestants réclamaient un gouvernement de transition et ont trouvé un écho : l’ancienne présidente de la Cour suprême, Sushila Karki, a accepté de devenir Première ministre par intérim. Le président Ramchandra Paudel a confirmé la dissolution du Parlement et annoncé des élections anticipées pour le 5 mars 2026.
Dans les rues, la tension a commencé à retomber. Le couvre-feu, qui paralysait la capitale, a été progressivement levé. Les vols ont repris à l’aéroport international de Katmandou et la frontière avec l’Inde a rouvert, permettant le retour de l’approvisionnement en carburant et médicaments. Parallèlement, le gouvernement a levé l’interdiction des réseaux sociaux, qui avait été la première étincelle du soulèvement.
Mais si le calme revient, les cicatrices restent béantes. La crise a révélé le profond malaise de la jeunesse népalaise face à un système jugé corrompu, inégalitaire et incapable de créer des perspectives économiques. Le mouvement de la Génération Z a mis en lumière une fracture générationnelle et politique qui pèsera sur l’avenir du pays. Les prochains mois, jusqu’aux élections de mars, diront si le gouvernement intérimaire réussira à canaliser cette colère ou si le Népal replongera dans de nouvelles vagues de contestation.
Sources :
Reuters – « Nepal lifts social media ban after protests leave 19 dead, minister says » – 09/09/2025 – lien
Reuters – « Nepal sets March elections after naming interim prime minister » – 13/09/2025 – lien
AP News – « Dozens killed in Nepal unrest over social media ban » – 11/09/2025 – lien
The Guardian – « Nepal bans 26 social media sites including X, WhatsApp and YouTube » – 08/09/2025 – lien