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Vers un rapprochement historique entre Israël et l’Arabie saoudite sur fond de tensions avec l’Iran

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Une nouvelle phase critique s’est ouverte au Moyen-Orient avec l’offensive préventive lancée par Israël contre l’Iran à la mi-juin 2025. Dans la nuit du 12 au 13 juin, Tsahal a frappé des cibles stratégiques en Iran, visant notamment des sites nucléaires et des hauts responsables militaires iraniens. Ces frappes israéliennes – qualifiées d’« agressions flagrantes » contre un « pays frère » par Riyad – ont suscité une vive condamnation officielle de l’Arabie saoudite. Le royaume saoudien, à l’instar d’autres voisins arabes hébergeant des bases américaines, s’est dit très préoccupé par le risque de représailles iraniennes dans la région. En effet, Téhéran a promis de punir sévèrement Israël, et son ministre de la Défense a menacé de frapper les forces américaines « dans tous les pays hôtes » en cas d’escalade. Cette flambée de violence israélo-iranienne – la plus grave depuis des décennies – fait craindre une déflagration régionale généralisée. L’Arabie saoudite, puissance sunnite majeure et rival historique de l’Iran chiite, se retrouve particulièrement désorientée par ce conflit qui bouleverse les équilibres régionaux.

Officiellement, l’Arabie saoudite a adopté une ligne de fermeté vis-à-vis d’Israël, condamnant vigoureusement l’attaque contre l’Iran. Cette posture publique s’explique par des considérations géopolitiques et intérieures : Riyad ne peut apparaître complice d’une agression contre un pays musulman voisin, d’autant que l’opinion publique arabe est sensible à la cause iranienne quand il s’agit d’une attaque israélienne. Toutefois, derrière les portes closes, des informations récentes révèlent une coordination stratégique entre Israël et l’Arabie saoudite face à la menace iranienne. Selon une enquête de Reuters s’appuyant sur des sources du Golfe et iraniennes, le prince Khalid ben Salmane (ministre saoudien de la Défense et frère du prince héritier) s’est rendu à Téhéran en avril 2025 pour y délivrer un message on ne peut plus clair : si l’Iran refuse la main tendue des États-Unis sur le nucléaire, il s’expose à une guerre avec Israël. Cette mise en garde saoudienne – une première du genre – a été transmise au guide suprême Ali Khamenei en personne lors d’une rencontre au sommet le 17 avril à Téhéran. Le prince Khalid, mandaté par son père le roi Salmane, a prévenu les dirigeants iraniens que Donald Trump n’avait que peu de patience pour les négociations prolongées et qu’il valait mieux conclure un accord avec Washington plutôt que de risquer une attaque israélienne dévastatrice. Le fait même que Riyad ait servi d’intermédiaire secret pour relayer une menace israélo-américaine marque un tournant notable. Il s’agissait de la première visite d’un haut membre de la famille royale saoudienne en Iran depuis plus de deux décennies, signe d’un dégel entamé grâce à la médiation de la Chine en 2023. Mais le contenu confidentiel de cette entrevue indique qu’au-delà de la reprise de dialogue irano-saoudien, le royaume wahhabite partage de plus en plus l’objectif stratégique d’Israël de contenir l’Iran. En privé, Riyad ne verrait pas d’un mauvais œil une action musclée contre les ambitions régionales de Téhéran, tant que ses propres intérêts en matière de sécurité et de stabilité économique sont préservés.

Un rapprochement avant tout stratégique et diplomatique

Aucune annonce officielle ne signale à ce jour de coopération militaire ouverte avec Israël – Riyad maintient même une distance publique. Néanmoins, les convergences d’intérêts sécuritaires sont patentes. Washington joue un rôle clé dans ce rapprochement implicite. D’après des analystes, la perspective d’une normalisation saoudo-israélienne, soutenue discrètement par les États-Unis, est l’un des éléments qui inquiètent profondément Téhéran. L’administration Trump mise sur une recomposition géopolitique au Moyen-Orient où les anciens ennemis s’unissent face à l’Iran. Le prince Khalid ben Salmane, ancien ambassadeur à Washington, n’a d’ailleurs entrepris sa mission à Téhéran qu’après que Donald Trump a révélé en avril la tenue de pourparlers directs américano-iraniens – initiative surprise accueillie favorablement par les monarchies du Golfe mais redoutée par Israël. Autrement dit, Riyad s’aligne de plus en plus sur la stratégie américano-israélienne consistant à faire pression sur l’Iran, tout en tentant d’éviter un conflit ouvert. Son message aux Iraniens en avril appelait à la retenue de leurs actions régionales et les enjoignait de saisir l’option diplomatique, dans l’espoir d’épargner à la région une nouvelle guerre aux conséquences incalculables.

Sur le plan diplomatique, des signes laissent penser que l’Arabie saoudite est prête à un « deal » historique avec l’État hébreu, si les conditions s’y prêtent. L’éventualité d’un accord de paix formel – qui constituerait un véritable tournant historique – est évoquée en coulisses depuis quelques années. En 2020, les Émirats arabes unis et Bahreïn ont franchi le pas en normalisant leurs relations avec Israël (Accords d’Abraham). Riyad, gardien des Lieux saints musulmans, s’est montré plus prudent, réclamant en échange des garanties substantielles, notamment sur la question palestinienne et en matière de sécurité. L’administration Biden avait tenté de favoriser un tel accord trilatéral USA-Israël-Arabie saoudite en 2023-2024, sans succès, la guerre de Gaza puis les changements politiques à Washington ayant gelé ces efforts. L’arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2025 a relancé l’hypothèse d’un grand marchandage : protection américaine accrue de l’Arabie saoudite (voire un traité de défense) et assistance technologique, en échange d’une reconnaissance d’Israël par le royaume. Selon des diplomates, plusieurs pays arabes pourraient rejoindre à terme les accords d’Abraham, et la Maison Blanche se montrait confiante début 2025 quant à l’adhésion de Riyad à cette dynamique. Du point de vue saoudien, la menace iranienne de plus en plus directe – en particulier un Iran potentiellement doté de l’arme nucléaire – pourrait constituer un motif puissant de rapprochement avec Israël, qui partage la même préoccupation existentielle. Autrement dit, la realpolitik face à un ennemi commun pourrait l’emporter sur les différends historiques, ouvrant la voie à un rapprochement diplomatique sans précédent.

Initiatives de médiation et rôle des puissances tierces

Dans les jours qui ont suivi les frappes israéliennes, Riyad s’est employé, aux côtés d’Oman et du Qatar, à désamorcer l’escalade en cours. Les capitales du Golfe ont multiplié les contacts avec Washington, Téhéran et d’autres acteurs afin de freiner l’engrenage de la guerre. D’après une source du Golfe citée par Reuters, le Qatar, Oman et l’Arabie saoudite ont tous trois exhorté les États-Unis à peser sur Israël pour obtenir un cessez-le-feu et une reprise des négociations sur le nucléaire iranien. Mascate aurait même préparé un projet de trêve destiné à ramener à la table Washington et Téhéran. Ce rôle de médiateur régional endossé par Riyad s’inscrit dans une double démarche : afficher son souci de stabilité (et ainsi calmer ses partenaires iraniens avec qui il a renoué diplomatiquement) tout en restant coordonné avec les Américains et les Israéliens pour empêcher l’expansion du conflit. Les États-Unis encouragent de tels efforts de désescalade : l’administration Trump, bien que soutenant fermement Israël dans son droit à se défendre, ne souhaite pas nécessairement un embrasement général qui menacerait ses bases et alliés dans le Golfe. Washington demeure l’acteur pivot pour synchroniser les canaux de communication entre Israël, les États arabes et l’Iran. On l’a vu dans le passé, que ce soit sous Joe Biden ou Donald Trump, la diplomatie américaine s’emploie à rapprocher Israël et les monarchies du Golfe – à la fois pour isoler l’Iran et pour consolider la paix régionale. Dans le cas présent, les appels saoudiens à la Maison-Blanche pour faire cesser les hostilités traduisent la dépendance de Riyad envers l’influence américaine sur Israël. En parallèle, la Russie et la Turquie tentent aussi de jouer les intermédiaires, mais ce sont bien les États-Unis qui demeurent au cœur des tractations, qu’il s’agisse d’éteindre l’incendie actuel ou de dessiner les contours d’un futur accord de normalisation israélo-saoudien.

Vers une normalisation historique ?

En somme, les développements des derniers jours mettent en lumière un rapprochement latent mais réel entre Israël et l’Arabie saoudite, catalysé par la menace iranienne. Sur le plan militaire, aucune alliance explicite n’est déclarée, même si selon plusieurs sources concordantes, des avions de chasse saoudiens patrouillent actuellement à la frontière avec le Yémen, prêts à intercepter les tirs des Houthis vers Israel. Sur le plan stratégique en revanche, un alignement s’observe : les deux pays partagent l’objectif d’empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire et de freiner son expansionnisme régional. Sur le plan diplomatique, l’idée d’une normalisation – jadis impensable – est désormais ouvertement discutée dans les cercles de pouvoir, avec le soutien actif des États-Unis. Il convient de souligner que, pour l’Arabie saoudite, un tel bouleversement de doctrine (reconnaître Israël sans la création préalable d’un État palestinien) serait historique. Toute avancée en ce sens se heurte encore à des obstacles importants, notamment l’opinion publique arabe et le jeu d’influences concurrentes (iranienne, turque ou même chinoise) au Moyen-Orient. La guerre en cours entre Israël et l’Iran illustre bien ce paradoxe : elle rapproche objectivement Riyad et Tel-Aviv dans une même volonté de contenir la République islamique, mais elle oblige aussi le royaume saoudien à ménager Téhéran pour éviter de devenir à son tour une cible. Pour l’heure, les gestes de rapprochement restent donc prudents et en grande partie secrets. Ils prennent la forme de messages officieux, de médiations discrètes et de promesses de soutien tacite plutôt que d’annonces spectaculaires. Néanmoins, la conjonction des intérêts stratégiques face à l’Iran pourrait accélérer ce qui serait l’un des bouleversements géopolitiques majeurs de ce début de siècle : une paix froide mais solide entre Israël et l’Arabie saoudite, scellée sous l’égide de Washington. Les prochains mois – en particulier l’issue du bras de fer avec l’Iran – diront si ce rapprochement historique passe du stade des coulisses diplomatiques à la pleine lumière de la scène internationale.

Sources : Le Monde, Reuters, RFI, DW, Jerusalem Post.

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