L’affaire des bureaux de campagne non déclarés de Bruno Retailleau refait surface, jetant une ombre sur sa campagne pour la présidence des Républicains en 2022. Selon une enquête menée par Mediapart, l’actuel ministre de l’Intérieur aurait bénéficié de locaux prestigieux à Paris, gracieusement mis à disposition par Jean-Pierre Bansard, sénateur multimillionnaire, sans que cette aide ne figure dans les comptes de son microparti, Force républicaine. Un oubli qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur la transparence des financements de cette campagne.
En 2022, Bruno Retailleau se lançait dans la course à la présidence des Républicains, affrontant Eric Ciotti et Aurélien Pradié pour prendre la tête du parti. Pourtant, malgré les 15 000 euros versés à chaque candidat par Les Républicains, les comptes de son microparti, Force républicaine, étaient déjà dans le rouge, hérités des dettes laissées par François Fillon, l’ancien président du parti.
C’est dans ce contexte tendu que Retailleau aurait bénéficié de bureaux luxueux, situés en plein cœur du « triangle d’or » parisien, avec une vue imprenable sur les Champs-Élysées. Ces bureaux auraient été offerts gratuitement par Jean-Pierre Bansard, un sénateur milliardaire apparenté Républicains dont l’influence est bien connue au sein du Sénat, bien qu’il fût moins médiatisé du grand public.
Un oubli comptable, mais des doutes persistent
Pour en revenir à l’affaire des bureaux de campagne non déclarés de Bruno Retailleau, le problème réside dans le fait qu’aucune mention de cette aide n’apparaît dans les comptes de Force républicaine pour 2022, ce qui soulève des interrogations sur la transparence du financement de cette campagne. En effet, la loi interdit formellement les financements occultes, même pour des campagnes internes à un parti politique. Le trésorier de Force républicaine, Jean-Pierre Giraud, a évoqué un « oubli comptable » pour expliquer ce manquement, ajoutant que la régularisation de cette situation avait été faite dès que le problème a été identifié. Cependant, l’absence de paiement formel et de documentation dans les comptes de la campagne soulève des doutes sur la nature de cette mise à disposition des locaux.
Le rôle de Jean-Pierre Bansard et ses liens avec la politique
Jean-Pierre Bansard, décédé en 2024, était classé parmi les 500 plus grandes fortunes françaises. Son influence au Sénat était indéniable, et il avait su s’attirer les faveurs des grands électeurs grâce à ses promesses et son réseau d’influence.
Né à Rabat au Maroc et naturalisé français, il avait fait fortune dans le secteur du transport et de la logistique internationale, fondant notamment la société Bansard International. Il a également été président du Consistoire central israélite de France de 1992 à 1994. Il a aussi eu une activité diplomatique parallèle comme consul honoraire dans plusieurs pays (notamment en Égypte et au Portugal). Bansard a fondé en 2017 l’Alliance Solidaire des Français de l’Étranger (ASFE), une liste indépendante qu’il a financé lui-même et qui représente les Français établis hors de France. Il a été élu sénateur des Français de l’étranger en 2021.
Son ascension politique n’a pas été sans controverse. Une première élection a été annulée pour irrégularités, et une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris, toujours en cours. Son implication dans cette affaire, bien qu’informelle, soulève des questions sur la manière dont les financements sont gérés au sein des partis politiques.
Une convention de sous-location ambiguë
Lors des premiers échanges avec Mediapart, le trésorier de Force républicaine a pris soin de ne pas mentionner le nom de Jean-Pierre Bansard. Il a affirmé que la campagne avait signé une « convention de sous-location pour la mise à disposition de deux pièces inoccupées dans un appartement d’habitation ». Ce n’est qu’après une relance que la vérité a été partiellement révélée : la convention n’a pas été signée avec le propriétaire des lieux, mais avec l’une des filles de Jean-Pierre Bansard. Ce détail semble démentir l’histoire de la location régulière, et laisse place à des interrogations sur les pratiques internes de Force républicaine.
Sources : L’Indépendant, Médiapart.