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Hugo Travers. Cette image a été générée à l’aide d’une intelligence artificielle. Elle ne constitue pas une photographie réelle de la scène ou de la personne représentée.

Hugo Décrypte auditionné par la commission d’enquête sur l’impact psychologique de TikTok sur les mineurs

Ce mardi 3 juin 2025, le journaliste et/ou influenceur Hugo Travers, connu sous le nom de Hugo Décrypte, a été auditionné à l’Assemblée nationale dans le cadre de la commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs. Lancée le 13 mars, cette commission présidée par le député Arthur Delaporte (PS) et rapportée par Laure Miller (Renaissance), a jusqu’au 12 septembre pour formuler ses conclusions, avec des recommandations pouvant aller jusqu’à une régulation ou sanction de la plateforme chinoise.

Après avoir entendu des experts du numérique et lancé une consultation citoyenne, la commission s’est tournée vers les créateurs de contenu. Plusieurs influenceurs populaires comme Michou, Manon Tanti ou Adrien Laurent ont été convoqués. Ce mardi, c’était au tour de l’un des journalistes les plus suivis par les jeunes : Hugo Décrypte, dont les vidéos cumulent plus de 20 millions d’abonnés et 2 milliards de vues annuelles sur TikTok.

Une plateforme à l’algorithme opaque

Pendant 45 minutes, Hugo Travers a livré un témoignage sur le fonctionnement de TikTok, soulignant « une plateforme conçue pour maximiser la rétention » à travers un algorithme opaque qui pousse les vidéos regardées jusqu’au bout. Il a rappelé que, contrairement aux réseaux sociaux basés sur les abonnements, TikTok privilégie la performance intrinsèque du contenu : « Vous pouvez avoir créée un compte il y a dix minutes, et si la vidéo marche, elle peut faire des millions de vues. »

Travers a souligné que ce fonctionnement pouvait favoriser la viralité de contenus sans véritable contrôle, y compris ceux postés par des utilisateurs n’ayant pas conscience de leur visibilité potentielle. Cette logique algorithmique, selon lui, « change beaucoup de choses », pour le meilleur comme pour le pire.

Une audience jeune, mais difficile à cerner

Interrogé sur son public, le journaliste a précisé que TikTok ne donne pas accès aux données sur les mineurs. Si les statistiques visibles montrent une majorité de 18-24 ans, Hugo Décrypte sait, à travers les commentaires et les questions posées, qu’un public plus jeune est bien présent : « On reçoit beaucoup de messages sur le brevet, le bac… ce sont des mineurs. »

L’évolution de la plateforme depuis 2020, où dominaient les contenus musicaux et les challenges, a permis selon lui l’émergence de contenus plus variés, y compris d’information. Son équipe a choisi d’y adapter ses formats journalistiques, « pour toucher ceux que les médias traditionnels ignorent ».

Désinformation, shadow banning et modération automatique

Hugo Travers a évoqué les difficultés à publier certains contenus « sensibles », citant des vidéos évoquant la cigarette ou les manifestations, souvent suspendues ou rendues invisibles (shadow banning). « Parfois, une vidéo reste bloquée à zéro vue », a-t-il expliqué, obligeant son équipe à « contourner » l’algorithme avec des astuces : remplacer certaines lettres dans les mots-clés pour éviter les blocages automatiques.

Concernant la censure, il affirme ne pas avoir constaté d’interdiction politique sur TikTok, même sur des sujets sensibles comme les Ouïghours. Les suppressions semblent plutôt résulter d’une modération automatique liée à des mots-clés ou à la violence perçue.

Enfin, il évoque leur rôle de sensibilisation, notamment sur des challenges dangereux (comme le « Skinny Talk ») ou les fausses informations. Il insiste sur un équilibre à trouver : ne pas amplifier de fausses informations mineures, tout en restant réactif grâce aux signalements de leur communauté.

Interdire TikTok aux moins de 15 ans ? Une fausse solution

Questionné sur une éventuelle interdiction de TikTok pour les moins de 15 ans, Hugo Travers s’est montré sceptique : « Je ne sais pas si c’est techniquement faisable, et je crains que cela détourne le débat. » Selon lui, le problème est plus vaste : l’impact des réseaux sociaux sur la santé mentale ne se limite pas aux mineurs.

Interrogé par Arthur Delaporte qui a participé à une loi sur la régulation des influenceurs qui lui demandait s’il était favorable à la « labélisation de créateurs de contenus de qualité », Travers estime que c’est « délicat ».

Il appelle à la prudence face aux velléités de labellisation des créateurs ou à la catégorisation des contenus sensibles : « Qui décide ? Sur quels critères ? Une autorité publique ? L’entreprise privée ? » S’il reconnaît l’importance de la modération, il met en garde contre les risques de dérive ou de censure arbitraire. Il souligne que si cette tache est confiée à des entreprises privées, cela peut entraîner des dérives ou des décisions arbitraires ; si c’est un organisme public, cela soulève des risques démocratiques. Il se dit plutôt favorable à une régulation par la communauté d’utilisateurs, comme sur X (ancien Twitter), même s’il trouve que l’idée est bonne mais inefficace en pratique, car les vérifications sont souvent trop tardives ou inexistantes.

Questionné par la députée Renaissance, Anne Genette, sur la pertinence de la mise en place de sujets tabou sur les réseaux sociaux par le régulateur, Hugo Decrypte ne se dit pas très favorable à ce genre de démarche, même s’il a alerté sur les risques accrus de désinformation, notamment via l’IA générative.

Hugo Decrypte affirme que des contenus usurpant sa voix et ses formats circulent pour diffuser de fausses annonces politiques ou administratives. Certains seraient même parvenus à viraliser d’anciennes vidéos hors contexte, comme un extrait de 2020 sur le confinement, rediffusé début 2025 comme s’il s’agissait d’une actualité.

Il alerte sur la multiplication des fausses informations automatisées sur TikTok, souvent générées dans des buts politiques ou lucratifs, même s’il figure lui même dans la liste Forbes 30 Under 30 France dans la catégorie Média. Celles-ci concerneraient souvent l’annonce d’« une restriction des libertés »K

Travers indique que sa communauté l’alerte régulièrement afin qu’il puisse débunquer les fausses informations. Alors qu’une député lui a demandé comment avait réag TikTok, après ses accusations d’usurpations d’identités, Travers a répondu : « Je ne saurai plus vous dire dans le détail, honnêtement car heureusement, cela n’arrive pas tous les quatre matins, et nous ne signalons pas toujours ». « Comme nous sommes l’un des comptes les plus suivis en France, nous avons un point de contact qui nous garde en lien avec TikTok. »

Un modèle économique limité

Sur la question de la monétisation, Hugo Travers affirme que malgré des chiffres vertigineux, les revenus générés par TikTok sont insuffisants pour financer une rédaction. « C’est très, très loin de payer une équipe de journalistes », a-t-il insisté, rappelant que YouTube, par exemple, partage environ 50 % des revenus publicitaires, contrairement à TikTok où la rémunération est plus opaque et instable.

Il a toutefois noté que TikTok cherche à valoriser les contenus longs et qualitatifs, notamment via son programme de récompense. Mais les critères exacts restent flous, et les variations de rémunération rendent toute stratégie difficile à stabiliser.

Une nouvelle génération d’information

Pour conclure, le fondateur d’Hugo Décrypte a tenu à rappeler que l’intérêt des jeunes pour l’actualité ne faiblit pas. Si TikTok repose sur des formats courts, il constate que des formats longs comme ses interviews politiques sur YouTube rencontrent un grand succès, « y compris chez les jeunes ».

En s’appuyant sur une équipe de 30 personnes, dont 10 journalistes, Hugo Décrypte s’efforce de combiner rigueur journalistique et formats adaptés aux réseaux sociaux. Un équilibre fragile dans un écosystème en mutation, où l’algorithme peut être à la fois un levier démocratique et un outil d’opacité.

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