D’ici trois ans, la région administrative spéciale installera 60 000 caméras de vidéosurveillance, soit quinze fois plus qu’aujourd’hui. Un projet gouvernemental colossal, justifié par la lutte contre la criminalité, mais perçu comme un nouvel outil de contrôle politique inspiré du modèle chinois.
Hong Kong bascule un peu plus dans l’ère de la surveillance de masse. Le ministère de la Sécurité du territoire a annoncé, le 3 octobre, la mise en place d’un vaste réseau de vidéosurveillance comptant 60 000 caméras d’ici à 2028. Le rythme d’installation, 20 000 caméras par an, place la région sur la trajectoire d’un déploiement comparable à celui de plusieurs grandes métropoles de Chine continentale, comme Shenzhen ou Shanghai.
Selon les informations relayées par le quotidien taïwanais Shijie Ribao, le ministre de la Sécurité, Chris Tang Ping-keung, a défendu ce projet devant le Conseil législatif, dominé par les loyalistes pro-Pékin. Il a justifié cette montée en puissance par “la nécessité de localiser plus efficacement les suspects” et de “prévenir la criminalité”. Mais l’annonce soulève de vives inquiétudes chez les défenseurs des libertés publiques, qui y voient une nouvelle étape dans la normalisation du modèle chinois de surveillance numérique.
La reconnaissance faciale au cœur du dispositif
Les autorités hongkongaises ont confirmé que ces nouvelles caméras seront équipées de technologies d’intelligence artificielle, capables d’analyser les flux de passants et de recourir à la reconnaissance faciale. Ces outils, déjà utilisés à grande échelle en Chine continentale, permettront d’identifier des individus dans la rue, d’établir des correspondances en temps réel avec les bases de données policières et d’assurer un “suivi comportemental” dans les espaces publics.
“L’usage de la reconnaissance faciale s’appliquera naturellement aux personnes, par exemple pour la localisation d’un suspect”, a expliqué Chris Tang Ping-keung, reprenant mot pour mot le langage technocratique de Pékin.
Un projet sécuritaire qui divise
Officiellement, la police affirme que les 4 000 caméras déjà en service ont permis de “résoudre rapidement des affaires” et de “lutter contre le travail illégal”. Mais les associations de défense des droits humains dénoncent une dérive inquiétante. Selon elles, le système de surveillance hongkongais sert avant tout à identifier et suivre les opposants politiques.
Lors des grandes manifestations pro-démocratie de 2019, plusieurs “lampadaires intelligents” équipés de capteurs et de caméras avaient été pris pour cible par les manifestants, après la découverte de leur utilisation à des fins de traçage. Ces infrastructures, présentées à l’époque comme de simples outils d’“amélioration urbaine”, s’étaient révélées être un maillon d’un dispositif de contrôle numérique renforcé.
“Hong Kong est en train de devenir un laboratoire du contrôle social à la chinoise”, estime un chercheur cité par Courrier international. “Sous couvert de sécurité, on consolide un modèle de surveillance algorithmique qui ne laisse aucune place à la dissidence.”
De la contestation à la résignation
Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale en 2020, les libertés publiques ont été considérablement restreintes à Hong Kong. Les partis pro-démocratie ont été dissous, des centaines de militants emprisonnés, et la presse indépendante muselée. Dans ce contexte, la mise en place d’un réseau de vidéosurveillance massif apparaît comme une étape supplémentaire dans la reprise en main totale de la ville par Pékin.
Malgré quelques voix discordantes au sein même du Conseil législatif — dont celle du député Luk Hon-man, pourtant favorable à Pékin —, le projet ne devrait rencontrer aucun obstacle institutionnel. Le déploiement commencera dès 2026, avec une priorité donnée aux zones de forte affluence et aux quartiers commerciaux.
Sources :
Courrier international – “Hong Kong va installer un impressionnant réseau de vidéosurveillance d’ici à 2028” – 7 octobre 2025 – courrierinternational.com
Shijie Ribao – édition du 4 octobre 2025 – cité par Courrier international