Alors que l’Ukraine est absente des pourparlers, le sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine en Alaska pourrait poser les jalons d’un accord de paix fondé sur un échange de territoires. Les régions du Donbass, de Zaporijjia et de Kherson sont au cœur des négociations, dans un bras de fer diplomatique où Kiev risque de voir sa souveraineté redessinée sans son aval.
Dans le décor austère d’une base militaire américaine en Alaska, Donald Trump et Vladimir Poutine s’apprêtent à se rencontrer ce 15 août, pour une discussion qualifiée d’« historique » autour du conflit russo-ukrainien. Plus de trois ans après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le sommet d’Anchorage pourrait marquer une première tentative officielle de compromis. Mais un détail fondamental inquiète les chancelleries européennes comme les autorités ukrainiennes : l’absence de Volodymyr Zelensky à la table des négociations.
Depuis février 2022, la Russie contrôle environ 19 % du territoire ukrainien, sans compter la Crimée, annexée dès 2014. Ce sont précisément ces zones, désormais quasi gelées dans les combats, qui pourraient servir de base à un hypothétique accord de paix. Donald Trump évoque régulièrement un « échange de territoires » pour mettre fin au conflit, une proposition qui, malgré ses relents d’ancien monde, séduit certains partisans d’une paix rapide. Mais quels territoires sont véritablement en jeu ?
À l’est de l’Ukraine, la Russie tient toujours la quasi-totalité de la région de Louhansk et la majeure partie de celle de Donetsk. Ces deux entités, russophones et fortement militarisées, forment le Donbass, une zone que Moscou revendique depuis le début de son « opération militaire spéciale ». Dans le sud, 73 % de Zaporijjia et 70 % de Kherson sont désormais sous contrôle russe. Ces deux régions, contiguës au Donbass et à la Crimée, sont stratégiques : elles constituent un corridor terrestre qui relie la péninsule annexée au reste des territoires conquis. Difficile, dans ce contexte, d’imaginer que Moscou cède ces acquis sans contrepartie.
Selon CNN, la Russie aurait soumis à l’envoyé spécial américain Steve Witkoff une proposition prévoyant la cession complète de Donetsk et Louhansk à la Fédération de Russie, en échange d’un cessez-le-feu immédiat. Une solution que Vladimir Poutine accepterait, toujours selon le Wall Street Journal, à condition que Kiev retire ses forces de ces zones. Ce retrait ouvrirait la voie à une deuxième phase de négociations, où l’Ukraine serait cette fois invitée à participer. Le président russe ne cache pas son intention de capitaliser sur les avancées de ses troupes dans Kherson et Zaporijjia pour renforcer ses positions avant cette éventuelle nouvelle étape diplomatique.
Sur le terrain, les forces ukrainiennes sont affaiblies. Malgré une contre-offensive remarquée à l’été 2024, notamment dans la région de Koursk, Kiev ne contrôle aucune portion significative du territoire russe. Une asymétrie militaire qui complique toute négociation basée sur la réciprocité. Volodymyr Zelensky, de son côté, réaffirme son refus catégorique de céder un seul centimètre de sol ukrainien. Une ligne rouge constitutionnelle, d’ailleurs : l’article 2 de la Constitution ukrainienne précise que le territoire du pays est « indivisible et inviolable ».
Une modification territoriale ne pourrait donc se faire qu’au prix d’un processus juridique complexe, impliquant le Parlement et un référendum populaire. En somme, un chemin semé d’embûches, où le droit et la réalité militaire s’entrechoquent. Reste la Crimée, véritable précédent dans cette partie d’échecs. Annexée sans reconnaissance internationale, elle demeure sous contrôle russe depuis plus d’une décennie, créant un précédent dont Moscou entend bien tirer profit.
Ce sommet d’Anchorage s’annonce donc moins comme un acte de paix que comme une démonstration de rapport de force. À défaut d’y participer, l’Ukraine en subira les conséquences. Une paix dessinée sans les Ukrainiens, mais avec des crayons russes et américains.
Source : Le HuffPost (2025), avec apports du Wall Street Journal, CNN, BFMTV et Le Parisien