Le « New York Times » et plusieurs sénateurs démocrates accusent Palantir d’avoir conçu, avec l’appui de l’administration Trump, une immense base de données fusionnant des informations sensibles sur les Américains. L’entreprise dément, mais ses pratiques inquiètent jusque sur le sol européen.
Un parfum de dystopie plane autour de Palantir. Fondée en 2003 dans la Silicon Valley par Peter Thiel, figure libertarienne et proche de Donald Trump, l’entreprise américaine s’est spécialisée dans l’agrégation et l’analyse massive de données. Ses logiciels, comme la plateforme Foundry, sont capables de croiser des millions d’informations hétérogènes, de les cartographier et de dégager des profils d’individus ou de groupes.
Selon une enquête publiée par le New York Times le 30 mai 2025, l’administration Trump aurait confié à Palantir la mission de fusionner de vastes ensembles de données issues d’agences fédérales, incluant des informations relevant de la vie privée des citoyens. Des sénateurs démocrates, inquiets de ce qu’ils décrivent comme « un cauchemar de surveillance », ont adressé une lettre au patron Alex Karp, exigeant des explications sur la nature et l’ampleur de ces contrats.
En cause notamment, un partenariat avec l’Internal Revenue Service (IRS), dépositaire des données fiscales de l’ensemble des foyers américains. Palantir a également signé un contrat de 30 millions de dollars avec l’agence de police douanière et de contrôle des frontières (ICE), pour rationaliser l’« identification » et l’« éloignement » des étrangers, autrement dit la logistique des expulsions.
L’entreprise nie toute illégalité. Mais ses détracteurs alertent sur la puissance de ses outils, qui combinent reconnaissance faciale, intelligence artificielle et analyse prédictive. « Croiser des données permet de dresser un profil de plus en plus précis de la population, ce qui peut s’apparenter à de la surveillance », souligne Théo Alves Da Costa, coprésident de l’association Data for Good.
Le débat dépasse d’ailleurs les frontières américaines. En Europe, plusieurs expérimentations suscitent elles aussi la vigilance des défenseurs des libertés. Au Danemark, un dispositif algorithmique a été testé pour détecter les fraudes sociales à partir d’une collecte massive de données publiques. En 2018, la Grèce, la Hongrie et la Lettonie avaient expérimenté un système de contrôle des migrants reposant sur la reconnaissance faciale et l’analyse des « micro-expressions », sorte de détecteur de mensonges automatisé.
Face à ces évolutions, Amnesty International rappelle que l’agrégation indiscriminée de données, si elle peut répondre à des objectifs sécuritaires ou économiques, pose un risque majeur de surveillance généralisée. Le modèle Palantir, exporté de Washington à Bruxelles, illustre cette tension croissante entre sécurité, innovation technologique et protection des droits fondamentaux.
Source : Le Monde, New York Times, Amnesty International.