À l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement qui se tenait ce jeudi 5 juin, Emmanuel Macron et Luiz Inácio Lula da Silva ont tenu une conférence de presse commune à Paris, symbole du resserrement diplomatique entre la France et le Brésil. Une série d’annonces majeures a été faite dans les domaines de l’écologie, de la défense, de la mobilité, mais aussi sur les dossiers chauds du Mercosur, de l’Ukraine et de Gaza.
Les deux présidents ont célébré les 200 ans de relations bilatérales entre leurs pays par la signature de plus de 20 accords de coopération couvrant des domaines allant de la défense (hélicoptères, satellites, sous-marins) à la santé (production de vaccins), en passant par la lutte contre la déforestation et le trafic transfrontalier en Amazonie.
Des accords militaires et technologiques
« Le Brésil a développé d’importants projets bilatéraux avec la France dans des domaines de pointe tels que des satellites stationnaires de télécommunication et le supercalculateur Santos Dumont » a déclaré Lula précisant que « Le programme de construction de sous-marins constitue aussi la plus grande initiative de coopération en matière de défense jamais entreprise par notre pays ce programme permettra de garantir la souveraineté brésilienne sur notre vaste espace maritime en plus de construire l’un des chantiers navals les plus modernes au monde ».
Lula a également annoncé « une nouvelle commande d’avions pour doter le gouvernement brésilien des moyens de lutter d’une façon très efficace ».
Des accords de coopération policière et diplomatique
Des accords ont également été scellés pour permettre les exemptions de visas et les conventions de transfert de détenus. Lula a évoqué un accord entre la police fédérale brésilienne et son homologue française afin de lutter « contre le crime organisé » qui justifie sa visite au siège d’Interpol à Lyon qui aura lieu demain, alors que l’institution est dirigée pour la première fois par un Brésilien. « Cette organisation joue un rôle clé dans les efforts multilatéraux visant à lutter contre les crimes transnationaux, notamment le trafic de drogue et l’exploitation des enfants et adolescents » a déclaré Lula.
Des accords de scientifiques
La coopération scientifique a aussi été mise en avant avec l’Institut Pasteur à Sao Paulo et le centre franco-brésilien de la biodiversité amazonienne. Un renforcement des échanges dans la recherche est d’ailleurs prévu. « Nous allons encore plus loin avec un projet de production de vaccins qui s’inscrit pleinement dans cet agenda de souveraineté sanitaire », a martelé Macron.
Le président Français a rappelé que la frontière entre la Guyane française et le Brésil était la plus longue que la France partage avec un pays tiers. Lula a insisté sur l’importance de renforcer les liens humains et économiques entre les deux rives de cette frontière « profondément amazonienne ».
La Défense de la démocratie et la lutte contre la désinformation
Lula a rendu hommage à Bruno Pereira et Don Philippe, défenseurs assassinés de l’Amazonie, ainsi qu’au photographe Sebastião Salgado récemment décédé. Il a salué leur engagement en faveur des opprimés et du climat, et souligné l’importance de poursuivre leur combat pour la démocratie, la paix et le développement durable. Il a affirmé que le Brésil et la France devaient rester unis pour défendre ensemble trois valeurs fondamentales : la démocratie, le multilatéralisme et le libre-échange.
Il a déconcné « l’accroissement du négationnisme, du radicalisme de l’extrême droite, qui ne reconnaît pas les institutions, qui ne reconnaît pas la vérité, et qui gagne du terrain dans le monde ».
Accord Mercosur-UE : Lula met la pression, Macron temporise
Sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, Lula s’est montré déterminé à conclure avant la fin de son mandat à la présidence tournante du Mercosur, n’hésitant pas à en appeler à « ouvrir le cœur » du président français. Macron, lui, a réaffirmé sa fermeté sur les normes environnementales et sanitaires, insistant sur la nécessité d’inclure des clauses miroirs et de sauvegarde pour protéger les agriculteurs européens : « Ce n’est pas une question de protectionnisme, c’est une exigence de cohérence écologique et de justice économique. »
Lula estime que « cet accord, ce serait la meilleure réponse que nos régions puissent apporter face au contexte incertain créé par le retour de l’unilatéralisme et du protectionnisme tarifaire ».
Ukraine : des divergences de ton, un même objectif de paix
Interrogés sur la guerre en Ukraine, Lula a défendu son rôle de médiateur avec la Chine pour construire une solution diplomatique, tout en dénonçant les attaques ukrainiennes récentes et appelant à « mettre fin à l’insanité de la guerre ». Macron a réaffirmé que la Russie était l’agresseur unique, soulignant que « les deux camps ne peuvent pas être traités sur un pied d’égalité » et appelant à une pression internationale unie sur Moscou.
Gaza : Lula dénonce un « génocide », Macron reste prudent
Très ému, Lula a qualifié la situation à Gaza de « génocide prémédité », appelant à une réforme en profondeur du Conseil de sécurité de l’ONU. Macron, plus mesuré, a mis l’accent sur la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat et la construction d’un mécanisme collectif de sécurité pour la région, annonçant une conférence internationale le 18 juin à Paris avec la participation de l’Arabie saoudite.
Une convergence affirmée sur le multilatéralisme
Les deux dirigeants ont réaffirmé leur attachement à un ordre international fondé sur le multilatéralisme, la défense de la démocratie et la lutte contre l’extrême droite et le négationnisme. Lula, ovationné pour sa fougue, a conclu sur une note personnelle : « Le jour où je perdrai ma capacité de m’indigner, je ne mériterai plus d’être président. »