Avec une superficie équivalente à celle du Massachusetts et plus de 100 000 ouvriers mobilisés, Neom est présenté comme le plus grand chantier urbain au monde. Imaginé par le prince héritier Mohammed ben Salmane, ce projet titanesque s’inscrit dans la stratégie « Saudi Vision 2030 », qui vise à diversifier l’économie saoudienne au-delà du pétrole et qui s’inspire du plan Vision 2030 du Forum économique mondial visant à soutenir la transition écologique grâce aux nouvelles technologies.
Parmi les infrastructures annoncées : des cités scientifiques, des resorts balnéaires, des hôtels de luxe, des transports décarbonés… et surtout « The Line », une ville-ligne composée de deux gratte-ciel parallèles s’étendant sur 170 km. Mais aujourd’hui, les ambitions sont revues à la baisse : d’ici 2030, seuls 2,4 km devraient être achevés.
Des camps de travailleurs surpeuplés et hors normes
Derrière les promesses futuristes, le revers de Neom se joue dans l’ombre. Selon une enquête du Wall Street Journal, les conditions de vie dans les camps de travailleurs sont alarmantes. Plus de 168 camps auraient été érigés de manière non officielle ou sans respecter les normes du projet. Résultat : insalubrité, promiscuité et insécurité règnent.
Les travailleurs, venus majoritairement du Pakistan, du Bangladesh et des Philippines, rapportent des cas de viol collectif, tentatives de meurtre et suicides documentés dans les rapports médicaux. Un ouvrier aurait tenté de se trancher les veines après plusieurs mois sans salaire. En 2023, des protestations inédites ont éclaté, dénonçant notamment la qualité de la nourriture.
Un « Far West » meurtrier sur les routes du chantier
Autre dérive majeure : la sécurité routière quasi inexistante. Camions de chantier, pick-ups surchargés et véhicules privés circulent sur des pistes poussiéreuses sans réglementation claire. En une seule semaine de novembre 2024, cinq accidents mortels ont été recensés.
Des témoignages font état d’enfants de huit ans au volant de camions. En 2021, un jeune garçon aurait causé la mort de deux personnes après avoir percuté une camionnette. Selon la société britannique Serco, la principale menace à Neom reste l’utilisation incontrôlée de véhicules motorisés, conduits souvent par des travailleurs non qualifiés.
Des secours insuffisants et une gouvernance opaque
Face à l’explosion démographique sur le chantier, les infrastructures médicales et les dispositifs de secours sont dépassés. Des rapports internes de 2022 pointent l’absence d’un plan d’urgence cohérent. Si des améliorations ont été engagées — hôpital sur site, cliniques, hélicoptères —, les incidents graves continuent.
Pire encore, des accusations de racisme et de harcèlement moral visent certains cadres de Neom. Malgré cela, les autorités affirment que « la sécurité et le bien-être des travailleurs sont une priorité absolue ». Une affirmation qui peine à convaincre sur le terrain.
Mohammed ben Salmane maintient le cap
Malgré les critiques croissantes, le prince héritier saoudien ne montre aucun signe de recul. Neom reste la pierre angulaire de son projet de modernisation nationale. Mais entre retards, surcoûts, drames humains et dérives managériales, la vitrine du futur ressemble de plus en plus à une dystopie désertique.
Sources : Wall Street Journal, Geo.